France. « L’immigration n’est pas un danger, c’est une richesse »
Originaire de Tourcoing (Nord), née de parents algériens, Karima Delli a construit un brillant parcours politique avec les EELV (Europe Ecologie les Verts) qui l’a menée en 2009 à devenir la deuxième plus jeune eurodéputée française et une des plus jeunes membres du Parlement européen. Entretien avec une activiste dans l’âme… et sur le terrain.
CDLA : Lundi, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont dévoilé les grands traits du nouveau traité européen qu’ils souhaiteraient mettre en place. Qu’en pensez-vous ?
Karima Delli : Le président veut imposer une discipline budgétaire rigoureuse et une austérité à toute épreuve. Mais pour sortir de la crise, il faut favoriser la solidarité au sein de la zone euro. Il faut d’abord penser à endiguer la contagion qui gagne chaque pays et tenter d’apporter des solutions.
Dans la déclaration de Paris, nous nous engageons très clairement sur les euros obligations. Mais pour cela, il faut que le parlement européen soit au centre des négociations. Il fait figure de premier élu pour les citoyens.
Aujourd’hui, le président Sarkozy et la chancelière allemande préfèrent le laisser de côté pour pouvoir faire ce que bon leur semble. À l’avenir, le parlement européen devra être associé à toutes les décisions fortes qui seront prises pour sortir de la crise.
Un rapport sur la pauvreté du CNLE et de l’ONPES a été dévoilé lundi. On constate que la pauvreté continue de gagner du terrain. Comment l’expliquez-vous et que compte faire EELV pour lutter contre ce fléau ?
La pauvreté est un fléau grandissant. Si on en est là aujourd’hui, c’est à cause d‘un gouvernement qui a décidé de faire une véritable chasse aux pauvres. À Nogent-sur-Marne, les plus pauvres n’ont même plus le droit de regarder dans les poubelles. Des arrêtés ont été mis en place pour interdire la mendicité dans certains quartiers chics.
Aujourd’hui, il y a 8 % de travailleurs pauvres dans l’Union Européenne. La montée de tous les petits contrats précaires a mis les gens dans des situations intenables. Il ne suffit pas de faire de beaux discours, il faut agir car, désormais, l’emploi ne protège plus de la misère.
Nous voulons mettre en place un revenu minimum acceptable. Il faut réduire le temps de travail précaire et proposer un accès aux services publics pour tous.
Nous devons penser à ceux qui vivent dans la rue et arrêter de laisser les exclus sur le bas-côté. Il faut endiguer la pauvreté et rétablir l’égalité des droits fondamentaux pour tous. Et pour ça, il faut une meilleure répartition des richesses.
Dans ce rapport, le problème du logement revient en première ligne. Que faire pour lutter efficacement contre la pénurie de logements et comment obliger les communes à construire les 20 % de logements sociaux obligatoires ?
La crise du logement est incroyable en France. Il y a 10 millions de personnes qui sont mal logés. C’est extrêmement grave. Il faut mettre en place un service public du logement.
Tous les logements inoccupés doivent être réquisitionnés pour permettre aux pauvres de ne plus vivre dans la rue. Nous devrons aussi aider tous les gens qui ont du mal à payer leur loyer et qui se retrouvent expulsés de leur appartement. Il faut encadrer le prix des loyers et développer l’intermédiaire locatif.
Pour les logements sociaux, il faut en construire davantage, 25 % sur l’ensemble des communes et 30 % pour l’Ile de France qui souffre d’une réelle pénurie. Mais il y a une couche de la population, les gens très pauvres, qui ne peuvent pas payer un loyer. Pour ceux-là, nous devrons mettre en place un pourcentage de logements »très sociaux ».
Quand aux maires qui refusent de faire construire les 20 % de logements sociaux obligatoires dans leur commune, ils seront frappés d’inéligibilité. Ils refusent de se plier aux lois, ils n’auront donc pas le droit d’être réélus.
Depuis quelques mois, le gouvernement mène une véritable chasse aux étrangers. Qu’en pensez-vous et quelle est la position d’EELV sur la régularisation des sans-papiers ?
Le gouvernement essaye de masquer son inaction sur l’emploi, le logement, l’éducation et j’en passe. Au lieu de répondre clairement sur leur bilan catastrophique, ils préfèrent venir chercher des boucs émissaires.
Avant c’était les Rom’s qui étaient les « responsables » de nos problèmes, maintenant, c’est au tour des étrangers. C’est une honte de traiter des gens ainsi dans le pays des droits de l’homme.
Pour nous, c’est très clair, l’immigration n’est pas un danger, c’est une véritable richesse. EELV est pour la régularisation de tous les sans-papiers sans exception.
Propos recueillis par Jonathan Ardines