France. Incendie du boulevard Auriol, 60 000 euros d’amendes
Hier jeudi, le tribunal correctionnel de Paris a condamné une association et une entreprise de bâtiment à payer 60 000 euros pour l’incendie en 2005 d’un immeuble parisien qui avait coûté la vie à 17 personnes dont 14 enfants.
À défaut d’avoir retrouvé le pyromane, ce sont les entreprises jugées responsables de la vétusté de l’immeuble qui ont été condamnées. France Euro Habitat (Freha) spécialisée dans le logement social et affiliée à Emmaüs devra verser 30 000 euros d’amendes.
Même condamnation pour Paris Banlieue Construction (PBC) qui y avait effectué des travaux. Selon le jugement, les deux personnes morales devront également payer plusieurs centaines de milliers d’euros de dommages et intérêts.
« Inacceptable » pour l’association Droit au logement (DAL) qui a fait « part de sa surprise quand à la mansuétude du tribunal ». Jean-Baptiste Eyraud, son porte-parole, a été déçu par l’attitude de l’Etat qui « n’a pas été présent avec les accusés ». Les familles se sont retrouvées isolées, en détresse, « otages et victimes » à la fois.
Le drame aurait dû être évité
Lors du procès qui s’était tenu en septembre et octobre 2011, le parquet avait requis 35 000 euros d’amende à l’encontre de Freha et 55 000 euros contre l’entreprise PBC. Pour le procureur, il y avait eu des « négligences graves » dans l’entretien de l’immeuble. Il reprochait aux prévenus d’avoir posé partout sur les murs de la cage d’escalier du contreplaqué, un matériau connu pour s’enflammer très rapidement.
Toujours selon le procureur, ce sont bien les prévenus qui ont transformé l’immeuble « en cercueil ». D’autres « normes élémentaires de sécurité » n’ont pas été respectées. Il n’y avait ni extincteurs ni consignes en cas d’incendies.
D’après les experts, le feu a d’abord pris sous l’escalier à l’endroit où étaient rangées les poussettes. Le contreplaqué a ensuite attiré les flammes qui se sont engouffrées dans les appartements dont les portes et fenêtres étaient restés ouvertes.
Dans ce bâtiment, vivaient 130 personnes originaires de Côte d’Ivoire et du Mali principalement. En attente de relogement, elles avaient été installées « provisoirement » dans cet immeuble insalubre depuis… une quinzaine d’années.
Un sentiment de frustration pour les proches
La défense de Freha et de l’entreprise en bâtiment avait pointé du doigt la responsabilité de l’État et déploré qu’il n’ait pas été poursuivi dans cette affaire alors qu’il devait reloger les familles depuis des années.
Les avocats des familles des victimes ont parlé d’un procès de « lampiste » et de « prévenus par défaut ».
« C’est un jugement de complaisance ! », a lancé Tappa Kanouté, porte-parole des familles des victimes. « C’est un permis de tuer délivré aux gestionnaires d’immeubles insalubres », a-t-il rajouté. « C’est dans le droit fil de toute l’affaire, d’une enquêté bâclée qui n’a intéressé personne ».
Les proches des victimes ont quitté le procès avec un sentiment de frustration et d’amertume. L’enquête n’a jamais permis d’identifier le ou les auteurs de l’incendie meurtrier.
Les deux seules « personnes morales » présentes sur le banc des accusés condamnées à payer quelques milliers d’euros ,ne pesaient pas bien lourd face à la détresse des familles.
Jonathan Ardines