France. Guéant calme le jeu sur l’Islam
Après des mois à taper sur les musulmans de France, le ministre de l’Intérieur a décidé de prôner l’apaisement. Dans une interview accordée au journal Le Monde, Claude Guéant parle d’un Islam ouvert et tolérant et promet que cette religion ne sera plus un « sujet d’empoignades ».
« Dès avant l’été, j’ai marqué mon souci que les problèmes se posant à propos de l’islam, comme les prières de rue, soient réglés bien en amont des élections présidentielle et législatives. Je ne veux pas que ce thème soit un sujet d’empoignades. Et, si ce devait être le cas, cela ne viendra certainement pas de notre formation politique ».
Non, vous ne rêvez pas, ces propos viennent d’une interview donnée au journal Le Monde daté d’aujourd’hui lundi par Claude Guéant en personne.
Souvent accusé de marcher sur les plates bandes du Front national en stigmatisant les musulmans de France, le ministre de l’Intérieur a décidé de mettre de l’eau dans son vin.
Plus la peine de « légiférer de manière supplémentaire », car selon lui, le gouvernement a effectué un excellent travail en 2011.
En premier lieu, la loi interdisant le port du voile intégral, « La loi s’applique sereinement, en dépit d’incident en petit nombre. Il nous semble que le port du voile intégral est nettement moins fréquent (286 contrôles pour 237 verbalisations) ».
Le ministre se félicite également dans cette interview du débat mené en avril par l’UMP sur la laïcité et l’Islam, qui a permis selon lui « de rappeler ce qu’était la laïcité en France et à quel point elle devait gouverner notre vie publique » avant d’ajouter : « Les musulmans se sont rendus compte que personne en France ne voulait autre chose que de les voir vivre paisiblement leur religion ».
Du coq à l’âne
Le revirement a de quoi surprendre. L’année dernière, le même Guéant multipliait les déclarations nauséabondes, « C’est vrai que l’accroissement du nombre des fidèles de cette religion, d’un certain nombre de comportements, posent problème » ou l’inoubliable, « Les Français à force d’immigration incontrôlée ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux ». Il avait réussi à dépasser Brice Hortefeux et rejoint Marine Le Pen en première ligne des opposants à l’Islam.
À quatre mois de l’élection présidentielle, le ministre n’a pas été touché par la grâce, mais il a décidé de changer sa stratégie de communication. Lui, qui sera candidat à Boulogne-Billancourt aux élections législatives, a décidé de modifier son image.
Dans cette interview, il reconnaît même qu’il est allé trop loin, « Je ne méconnais pas les difficultés qui ont pu survenir et le sentiment de malaise que certains musulmans ont pu rencontrer lors de ces débats ».
Toujours le premier à faire l’amalgame entre Islam radical et modéré, Claude Guéant fait désormais la distinction entre une religion « ouverte, tolérante, pleinement insérée dans notre société » et des « discours radicaux » qu’il qualifie d’ « intolérables ».
Il va même jusqu’à ajouter, « Il faut faire en sorte que les choses se passent au mieux pour l’immense majorité des musulmans qui respectent les règles républicaines et adoptent nos valeurs, qui ont besoin de lieux de culte et d’une compréhension de la société ».
Stratégie électorale
« Je rappelle que les premiers à souffrir des amalgames sur l’Islam sont nos compatriotes de confession musulmane », ajoute le ministre de l’Intérieur.
Les musulmans de France peuvent à nouveau respirer. La « jurisprudence qui se dessine est suffisante et nous convient », affirme Claude Guéant. Il le promet : jusqu’aux élections, il n’y aura plus de lois ciblées contre les musulmans.
Il va même jusqu’à revoir ses chiffres à la baisse, estimant le nombre de musulmans en France à « 4 millions, dont 800 000 pratiquants », loin des « 5 à 10 millions de personnes » qu’il évoquait à l’instar du Front National.
Ce revirement n’est pas le fruit du hasard. « La religion musulmane est désormais la deuxième religion de France », annonce-t-il. Les fêtes ont permis de revoir une stratégie qui ne fonctionnait plus. Les électeurs se sont lassés du discours frontiste pré-électoral.
En 2012, Claude Guéant va donc devenir l’ami des musulmans en essayant de récupérer des voix. Dur à imaginer, même avec de la bonne volonté. La vraie bonne nouvelle, c’est que les musulmans de France ne seront plus les boucs émissaires du gouvernement. Au moins jusqu’aux élections.
Jonathan Ardines