France. Gel des relations entre Ankara et Paris
La loi pénalisant la négation de tout génocide a été adoptée hier jeudi par les députés français. Cette nouvelle loi « mémorielle » a mis en rage la Turquie qui accuse le gouvernement français de jouer la surenchère pour s’octroyer le vote arménien (400 000) lors de la prochaine présidentielle.
« Nous voyons cette nouvelle initiative comme une attaque contre l’Histoire de la Turquie », avait déclaré mercredi au journal Le Monde, le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu.
Rappel des faits
Au centre de la crise qui se dessine entre Paris et Ankara, la proposition de loi de la députée UMP Valérie Boyer, qui punit d’un an de prison et 45 000 euros d’amende la négation d’un génocide. En 2001, la France a reconnu le génocide arménien qui aurait causé 1,5 millions de morts entre 1915 et 1917. La Turquie parle elle de 500 000 Arméniens décédés à la suite de combats et de déportations.
Nicolas Sarkozy continue de draguer le vote arménien en prenant les socialistes de vitesse. Nouveau maître du Sénat, le PS souhaitait faire voter à la Chambre haute une loi antérieure sur le génocide arménien qui avait été bloquée en mai 2006 par la majorité gouvernementale.
À l’époque, Ankara avait barré les entreprises françaises du projet de gazoduc Nabucco vers l’Europe et avait interdit aux avions militaire français de survoler le territoire turc vers l’Afghanistan. La situation s’était apaisée au moment où la loi avait été rejetée.
L’ire de la Turquie
Branle-bas de combat à Ankara. Le président Abdullah Gül a pris la parole pour dénoncer une loi « inacceptable » et exhorté la France à faire marche arrière. La semaine dernière déjà, le premier ministre Recep Tayyip Erdogan s’était fendu d’une lettre à l’intention du président français. Il le prévenait que la loi aurait « de graves conséquences » sur la relation bilatérale.
Face aux menaces, Paris a dénoncé un chantage inacceptable et a rappelé Ankara au respect d’engagements internationaux qui proscrivent tout « traitement discriminatoire ». Avant de se dédouaner d’une attaque personnelle, « Le gouvernement soutient l’idée que les génocides ne peuvent pas être niés. Le gouvernement soutient la philosophie de ce texte et n’y voit pas une attaque contre la Turquie » a plaidé la porte-parole du gouvernement, Valérie Pécresse.
Le ministre turc des Affaires européennes Egemen Bagis a répliqué mercredi avec des menaces à peine voilées : « Le peuple turc est émotif et il exprime ses réactions », citant « les cosmétiques, les parfums, l’habillement » français qui pourraient subir le boycott.
Le gel des relations
Mercredi encore, devant l’ambassade de France à Ankara, une centaine de manifestants arboraient des banderoles où on pouvait lire « Sarkozy menteur » ou « Qu’aviez-vous à faire en Algérie ? ».
Une opinion publique très remontée contre le « vilain M. Sarkozy » comme le surnomment les journaux turcs. Mardi, le président français a refusé de prendre au téléphone son homologue turc.
Hier jeudi, à l’annonce de l’adoption de la loi sur la négation du génocide arménien, les représailles de la Turquie n’ont pas attendu. L’ambassadeur turc à Paris a été rappelé. Mais cela pourrait ne pas s’arrêter à des mesures diplomatiques. Des sanctions économiques seront envisagées et pourraient coûter très cher. Les échanges commerciaux entre la France et la Turquie ont représenté près de 12 milliards d’euros en 2010.
La France est le 3ème investisseur étranger en Turquie. La perte de nombreux contrats pourrait être un manque à gagner conséquent. La Turquie est aussi un pont stratégique entre l’Europe et le Moyen Orient. Se priver d’un tel partenaire sur la scène internationale pourrait coûter bien plus que quelques contrats.
Jonathan Ardines