France – Fadila Mehal du Modem : « La mixité sociale est garante de la réussite scolaire »
Fadila Mehal est membre du Modem et en charge de l’intégration, de l’égalité des chances et de la lutte contre les discriminations pour le parti. Elle a répondu sans détours à nos questions.
CDLA : En ce moment, la question du droit de vote des étrangers divise, quel est la position du Modem sur ce sujet ?
Fadila Mehal : Le Modem s’est prononcé pour le droit de vote des étrangers aux élections locales. Il faut lever cette discrimination insupportable. Les étrangers devraient pouvoir bénéficier d’une citoyenneté de résidence quand ils habitent depuis dix ans en France. Ce serait une mesure symbolique de justice. On se plaint que de nombreux jeunes issus de l’immigration ne votent pas, mais peut être que s’ils avaient vu leurs parents voter dès leur plus jeune âge, ils auraient compris l’importance de cet acte. Leur donner ce droit, ça serait reconnaître la contribution positive de ces millions de personnes qui ont construit nos routes et nos ponts, cultivé nos champs et participé au développement de notre pays.
Un rapport du Secours Catholique conclut que les jeunes de 18 à 25 ans sont les plus touchés par la précarité. Que propose le Modem pour y remédier ?
Pour ma part, je suis opposée au jeunisme qui consiste à enfermer les jeunes dans leur identité de jeunes et avoir une politique d’assistanat à leur égard. Ils valent mieux que le RMI jeunes. Nos politiques doivent être transversales. Il faut s’occuper d’eux en les mettant face à leurs responsabilités et en libérant leur esprit d’entreprendre. Il faut réformer l’université en profondeur. Ceux qui en sortent n’arrivent que trop rarement à intégrer le monde du travail.
Pour certains, la discrimination à l’emploi et au logement reste un problème grave. Elle existe à l’embauche mais aussi en amont, lors de l’orientation. Beaucoup de jeunes issus de l’immigration sont envoyés vers des cycles courts ou des voies de garage. Si la discrimination est un poison, nous avons aujourd’hui plus de remèdes, comme la charte de la diversité, pour le combattre et nous allons en venir à bout.
Certains quartiers ont été abandonnés par les pouvoirs publics et désertés par les classes moyennes. Que compte faire le Modem pour leur rendre leur attractivité ?
Le problème, c’est que pendant des années, les politiques publiques ont enfermé les populations d’origine étrangère dans certains territoires. On leur a imposé un parcours résidentiel dans les périphéries de nos villes. Cette politique de peuplement où la mixité devient un luxe est à revoir. On nous dit que les fichiers ethniques n’existent pas mais comment expliquez-vous que des tours entières dans les cités sont habitées majoritairement par des personnes issues de l’immigration, parfois originaires du même pays, voire de la même région ou du même village ?
Il faut imposer pour les logements sociaux des critères transparents d’attribution, il faut aussi rendre anonymes les demandes. Il faut restituer leur attractivité à ces quartiers désertés par les classes moyennes. Aujourd’hui, de nombreux parents de classes moyennes quittent le quartier parce qu’ils ne veulent plus mettre leurs enfants dans les écoles. La mixité est essentielle et garante de la réussite scolaire.
Une récente étude sociologique réalisée à Clichy sous bois et Montfermeil a montré que la religion prenait le pas sur les valeurs de la République, ça vous étonne ?
Pour moi, c’est une réalité incontournable. Sur le terrain, je le constate tous les jours. Il y a une réelle demande de spiritualité, notamment de la part des jeunes. La question est l’usage qu’on fait de la religion, est-ce pour mieux vivre ensemble ou pour s’enfermer dans ses identités et s’opposer aux autres ?
Pour certains, la religion peut devenir un refuge face à la paupérisation ou au sentiment d’abandon. Le danger est qu’elle devienne un outil politique, pour résoudre les problèmes sociaux de la cité. Certains prêchent par conviction, d’autres le font avec ambition. Pour moi, la religion doit rester dans la sphère privée. Mais pour redonner confiance aux personnes qui l’ont perdue, il faut une République qui célèbre la pluralité des identités et des héritages afin que tous se reconnaissent pleinement dans notre Histoire commune. La laïcité est notre bien le plus précieux, il nous préserve des intégrismes et de l’exclusion.
Jonathan Ardines