France. « 1000 et 1 signes », un resto qui va vous parler

 France. « 1000 et 1 signes », un resto qui va vous parler

Le jeudi soir

Sid Nouar est la première personne sourde à avoir ouvert un restaurant café philosophique dans la capitale, « 1000 et 1 signes ». Dans une atmosphère chaleureuse, Sid vous initiera à la langue des signes autour d’un vrai repas traditionnel marocain.

 

« Depuis l’âge de 12 ans, je rêve de devenir chef ». Entouré par une famille de cuistots, son père tenait un restaurant ; Sid Nouar a donc baigné très tôt dans la cuisine orientale.

Algéro-marocain d’origine, Sid est né en France. Sourd, il suit sa scolarité grâce à un interprète. À la fac, il s’accroche jusqu’au master mais peine à suivre financièrement car, passé le lycée, les interprètes sont à la charge du demandeur.

Pas grave. Motivé, il devient professeur et enseigne la langue des signes pendant huit années. Un métier qui lui tient à cœur mais qu’il préfère mettre entre parenthèses : « À 20 ans, je me suis dit que pour mes 30 ans j’arrêterai mon boulot pour changer de voie ».

Ni une ni deux, il quitte sa place pour celle de chef. Sid ne mégote pas, « j’ai multiplié les formations pour la comptabilité, la gestion… », pour présenter un projet qui tient la route.

Autour de lui, les avis divergent. Du soutien bien sûr mais aussi des craintes : « Tout le monde me disait, « ça va être compliqué pour toi, Sid ». En fait, ça été tout le contraire ».

Accompagné d’un interprète qu’il rémunère lors de chaque entretien, Sid convainc tout le monde. « En 10 mn, j’avais mon prêt. Le fond régional pour les personnes handicapées m’a donné 12 000 euros ».

 

« Faire un pont entre sourds et entendants »

Très vite, il cherche un quartier touristique où les sourds pourraient se retrouver mais pas seulement : « Je veux faire de ce restaurant un pont entre sourds et entendants ».

Ce militant veut sensibiliser les gens à une langue des signes trop souvent mise de côté. Un petit livret est distribué à chaque client, dessus des explications et quelques mots pour apprendre la base. « Les gens apprécient le concept, ils font plusieurs fois les signes pour montrer qu’ils ont bien appris ».

Pour pousser un peu plus loin la conversation, Sid a toujours son tableau véléda sous la main. Un moyen simple et efficace pour communiquer.

Depuis qu’il a ouvert, la clientèle est disparate, « moitié-moitié » nous dit Sid. La salle, pas bien grande vous propose une jolie ambiance marocaine et une décoration tout en récup’. Des pneus ont été transformés en jolis objets de déco, les verres sont aussi recyclés. Une volonté affichée pour ce militant de toujours, « Il est important pour moi de ne pas gaspiller, de trier ».

En cuisine, que des produits frais. Une carte sans prétention mais qui vous offre une cuisine marocaine traditionnelle délicieuse. Aux fourneaux, le midi, c’est maman qui s’y colle : « C’est dur de trouver un chef. Beaucoup ne veulent pas travailler plus de 20 heures, les jeunes ne sont plus motivés ». La raison ? Nombre de personnes sourdes touchent l’AAH (800 €/mois), si elles dépassent les 20 heures de boulot par semaine, l’État leur sucre.

Une situation d’entre deux difficile à gérer pour Sid qui souhaiterait embaucher une sourde en cuisine. Mais sans discrimination, « je veux bien employer un entendant qui parlerait la langue des signes », Sid veut simplement tendre la main à une catégorie de la population qui subit le chômage de plein fouet (80 % chez les sourds).

Il a quand même réussi à en trouver un pour le soir. Doué, le jeune homme ne connaissait pas la cuisine marocaine, pas grave, il a eu le droit à une formation d’un mois avec maman en cuisine.

Symptomatique des difficultés qu’affrontent les personnes sourdes pour intégrer la société, Sid nous raconte cette anecdote, « mon chef a eu son code de la route en langue des signes et a voulu passer la conduite dans une auto-école « normale ». Pas une à Paris n’a accepté de le prendre ».

Sid continue de se battre pour que « la société écoute et respecte les sourds ». Le jeudi soir, il organise une soirée philosophique qui réunit sourds, entendants et interprète dans une joyeuse ambiance. Même sans la parole, le dialogue existe, dès lors qu’on y met la volonté. « La société voudrait qu’on parle, mais comment fait-on quand on n’entend pas ? », questionne-t-il.

Jonathan Ardines

Adresse « 1000 et 1 signes » :

42, rue Rodier 75001 Paris

[email protected]