France. Entretien avec Abdallah Zekri : « Les actes islamophobes ont augmenté de 34 % »
Abdallah Zekri est président de la fédération régionale du Sud-Ouest de la Grande mosquée de Paris. Il nous fait part de son indignation après la nouvelle profanation du carré musulman du cimetière de Carcassonne.
LCDA : Que s’est-il passé au cimetière de Carcassonne le week-end dernier ?
Abdallah Zekri : Vingt-neuf tombes de soldats français de confession musulmane ont été profanées ainsi qu’une stèle collective. Ce n’est malheureusement pas la première fois. Déjà en septembre dernier, 29 tombes de soldats algériens qui s’étaient battus pour défendre la France avaient subi le même sort.
Cette fois, on a trouvé des croix gammées, différents slogans : « dehors les arabes », « dégagez chez vous », « à bas les bougnoules ». Ils se sont donné encore plus de mal, avec des écrits plus gros, en vert, rouge, noir, pour que cela soit plus difficile à retirer. Ça met du plomb dans l’aile à la théorie selon laquelle ce serait des jeunes désœuvrés et alcoolisés qui auraient fait ça. Si ça avait été le cas, on aurait retrouvé des bouteilles sur le site, non ? Je pense que ce sont des gens qui savent très bien ce qu’ils font.
Ce matin, en présence du préfet, j’ai condamné cet acte odieux et je n’ai pas caché mon mépris et mon dégoût.
Pensez-vous qu’il y ait une montée de l’islamophobie en France ?
Oui, j’en suis persuadé. Lors de ma dernière réunion avec le ministre de l’Intérieur, j’ai pris connaissance des chiffres. En un an, les actes islamophobes recensés ont augmenté de 34 %. Je parle des profanations mais aussi des actes de violences aux personnes. Rien qu’au mois de septembre, il y a eu six tentatives d’incendie de mosquées, dont 4 en quinze jours. Nous recevons chaque jour des menaces de morts.
Il y a quelques semaines, j’étais partie civile dans un procès à Carcassonne. Un militaire était jugé pour avoir profané des tombes. Il a écopé de 4 mois avec sursis seulement ! Comment voulez-vous mettre un terme à ces actes si les condamnations sont aussi faibles ?
Comment expliquez-vous cette augmentation d’actes islamophobes ?
Je l’impute à la politique menée par le gouvernement. Les débats sur le voile intégral, la laïcité, le vote des étrangers… Nous rentrons dans une période électorale et, excusez-moi, mais je crois que « taper sur le bougnoule, ça peut rapporter des voix ». Le gouvernement verse dans la surenchère. J’ai écrit un courrier au président de la République pour qu’il rassure les Musulmans de France.
Que faire pour mettre un terme ou freiner ces actes de vandalisme ?
Il faut faire des enquêtes approfondies. À chaque fois, on nous dit, « on ne peut rien faire, il n’y a pas d’empreintes ». Il faut mener une investigation dans les milieux extrémistes. Nous devons mettre des caméras de surveillance dans les lieux qui sont les plus exposés comme les cimetières militaires ou les mosquées toutes neuves.
Dans toutes les synagogues de France, il y a des caméras payées par la municipalité. Je ne dis pas qu’il en faut dans toutes les mosquées, mais au moins dans les lieux symboliques. On réclame juste une égalité de traitement.
Il y a quelques mois, vous avez déchiré votre carte UMP, regrettez-vous votre geste ?
Pas du tout. J’étais un chiraquien convaincu, adepte du gaullisme. Je suis allé en Irak, en Algérie sur les tombes des moines de Tibhirine. Mais quand Jean-François Copé a dit : « Lors de la prière du vendredi, il faut faire le prêche en français », je n’ai pas supporté. Il est venu me voir après pour me demander de revenir, je lui ai dit que je ne reviendrai pas. Il y a une aile droitière à l’UMP qui me dégoûte, j’ai préféré prendre mes distances.
Aujourd’hui, vous êtes au PS, vous avez effectué un virage complet. Leur discours vous convient-il ? Vous verra-t-on sur une liste ?
J’ai rejoint le PS car j’ai des amis socialistes. Pour le moment, je ne compte pas me présenter, je me contenterai d’aider des amis aux élections législatives.
Il faut que François Hollande prenne position de manière claire sur le vote des étrangers aux élections locales. Je ne veux pas assister à un revirement ; Nicolas Sarkozy aussi l’avait promis. Ce sont des gens qui vivent là depuis longtemps, qui payent leurs impôts, qui participent à la vie de la cité, ils doivent avoir ce droit.
Propos recueillis par Jonathan Ardines