France. « Contrôles au faciès » assigne l’État
Hier jeudi, le collectif « Stop le contrôle au faciès » a tenu une conférence de presse pour revenir sur cette première historique. Quinze personnes s’estimant victimes de contrôles abusifs ont décidé de déposer plainte contre le ministère de l’Intérieur et l’État pour discrimination. La démarche est également soutenue par l’association Open Society Justice Initiative et le Syndicat des avocats de France (SAF). (Photo AFP)
« Il était important pour nous de donner une suite à tout ce qu’on fait les générations passées », témoigne Siam, cadre de la fonction publique et membre du collectif « Stop le contrôle au faciès ».
Quinze personnes, soutenues par le collectif et différentes associations, ont décidé de porter plainte pour dénoncer des contrôles jugés abusifs. « Dans certaines endroits de France, quand on est noir, on a jusqu’à 11 fois plus de chances d’être contrôlé, jusqu’à 15 fois quand on est arabe », déclare Slim Ben achour, un des avocats du Collectif.
Comme la police ne possédait aucun chiffre, le CNRS a décidé de faire une étude. Plusieurs filles ont été embauchées pour suivre les policiers dans deux quartiers parisiens, Gare du Nord et châtelet. « Les contrôles touchaient dans leur grande majorité des hommes jeunes qui ne portaient pas de sacs relevant de minorités, maghrébine et noir », explique Axiom, rapeur engagé avec le collectif. « Le contrôle doit se baser sur un comportement et non sur une apparence », souligne-t-il.
« C’est le critère racial qui émerge »
Au départ, le collectif entreprenait cette démarche pour mettre fin à ces contrôles injustifiés en fonction de « l’apparence ». Très vite, après avoir reçu de nombreux SMS à travers toute la France, le collectif a compris que « c’est bien le critère racial qui émergeait en premier ».
Il n’a pas été facile de convaincre les victimes de se joindre à la plainte collective. « Elles n’avaient pas l’habitude de faire reconnaître leur droit », réagit Sarah, membre du collectif, « nous voulions changer les mentalités là-dessus ».
Avec cette première assignation de l’État français, le collectif espère faire bouger les choses et modifier les lois. Premier objectif, « que le contrôle se termine par un reçu en deux exemplaires avec le matricule du policier, l’identité de la personne contrôlé et les motifs ».
« Le contrôle policier est le seul acte policier en France qui ne donne pas droit à un reçu », rappelle Axiom. Slim Ben achour va plus loin : « Dans un État de droit, les forces de l’ordre devraient justifier des raisons de contrôle ».
Second objectif, modifier un article qui explique que le contrôle doit « requérir des conditions plausibles ». Le collectif veut remplacer le mot « plausibles » par « objectives ».
Des candidats partagés
Tous les candidats à la présidentielle ont été interrogés pour savoir ce qu’ils feraient pour mettre fin aux contrôles au faciès. Sur les quatre candidats ayant répondu, deux (Joly, Mélenchon) ont repris à leur compte la délivrance d’une autorisation de contrôle.
Hollande ne s’y est pas opposé, mais tarde à prendre position. Bayrou, lui, a rejeté cette action qui s’apparenterait selon lui à « du racisme anti-policier ». Sarkozy n’a pas souhaité s’exprimer.
Pour Sihem Souid, force de l’ordre et auteur du livre « Omerta dans la police », il n’y a rien d’étonnant. « C’est Sarkozy qui a mis cette politique du chiffre en place, c’est normal qu’il ne réponde pas aux questions ». Selon elle, la délivrance d’une autorisation « pourrait être un premier pas pour renouer les relations entre les policiers et les habitants ».
La série revient pour une seconde saison
La plainte a beau avoir été déposée, les démarches ne s’arrêteront pas pour autant. Plusieurs rapeurs étaient présents hier. Tous avaient participé au projet initié et réalisé par Ladji Real. Chacun racontait son premier contrôle devant une caméra. L’impact a été énorme selon son réalisateur : « Les jeunes ont vu que leurs rappeurs préférés avaient vécu les mêmes contrôles qu’eux, ça leur a permis de se rendre compte que non, ce n’était pas normal ».
Mac-Tyer, membre du groupe de rap Tendem originaire d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) se réjouit de cette action : « On se rend compte que lorsque des jeunes de banlieue veulent aller au bout de façon pragmatique, on arrive à des choses concrètes ».
Désormais place à la seconde saison, « avec des stars, des médecins, des ingénieurs » pour « toucher plus de monde et montrer que non, ce ne sont pas uniquement les jeunes de quartiers populaires qui sont victimes de ces contrôles abusifs ».
Jonathan Ardines