France. Camel Arioui : À travers les murs

 France. Camel Arioui : À travers les murs

Après 10 ans derrière les barreaux

En tournée pour défendre son premier album « la Java des anges », Camel Arioui nous a accordé un long entretien. Le Bordelais d’origine algérienne a passé 10 ans en prison ; c’est là-bas qu’il a développé son amour pour la musique et écrit la majorité de ses chansons. Itinéraire d’un artiste hors du commun.

 

« J’avais ça en moi », dit-il quand il évoque la musique. Encore tout jeune, à 12 ans, il guettait le départ de son grand frère pour aller dans sa chambre et jouer sur sa guitare électrique.

Mais un jour l’élan est brisé. Suite à un braquage, il se fait arrêter, et se retrouve en maison d’arrêt. En pleine affaire Papon, il attend 4 ans avant de se faire juger. La sanction tombe, Camel est condamné à 18 ans.

Après une année à Bordeaux, il rejoint la prison de l’île de Ré et ses UVF (unité de vie familiale) : « J’avais milité pour ça. On pouvait recevoir sa famille pendant 72 heures dans un appartement sans être dérangé ».

Fasciné par la civilisation égyptienne et ses pyramides, il décide d’apprendre le métier de tailleur de pierre. « Une vraie école avec des cours qui commençaient à 9h et se terminaient à 16h30 ». Juste après ses cours, il file à l’atelier musique de « 16h30 à 18h30 » et travaille ses textes et sa musique.

« En 96, j’ai chouravé un micro-cravate, et avec mon poste double cassette, je réalisais mes premières chansons ». Tourné vers le rap et le RnB, il fait une reprise rap du classique de Bob Marley, « Get up Stand up ». En douce, il se débrouille pour faire sortir sa cassette au parloir : « Les jeunes mettaient mes chansons dans leur voiture, c’est comme ça que j’ai commencé à me faire connaître ».

 

La rencontre avec Pierre Solers

Pascal Ducortioux, le prof de musique lui apprend à composer une chanson : « Je faisais des chansons de 10 mn, après, ça été le TGV ». A l’exception de deux titres, il a écrit et composé tous les morceaux de son album en prison. Le titre « Du toit de ma cité » est dédié à tous ceux qu’il a rencontrés là-bas.

En 2006, Camel chante 2 ou 3 chansons devant le directeur des Francopholies de la Rochelle : « Il était scotché, il m’a dit qu’il fallait continuer ».

Puis vint la rencontre avec Pierre Solers, directeur de salle, qui assiste aux ateliers musique. Tout de suite, il croit en lui. Grâce à Loïc Lechan qui travaille au service des conditionnelles, Camel obtient une permission de sortie pour aller faire un concert à la Maline, la salle de Pierre Solers : « Je n’y croyais pas ». Accompagné de deux profs de sports, il revoit enfin « la liberté ». Pour sa première scène, il joue devant un public mais aussi… le procureur et le juge venus pour l’occasion.

« À la fin du concert ils sont venus me féliciter et m’ont dit que si j’avais un salaire tous les mois, je pourrais sortir pour défendre mon projet artistique ». Ni une ni deux, Pierre Solers lui signe un CDD d’un an.

 

Le rescapé du dôme

Après 10 ans derrière les barreaux, Camel arpente toutes les scènes de France. En un an, il fera une centaine de concerts dont les premières parties d’Higelin ou d’Olivia Ruiz. Avec sa guitare et son timbre de voix, il se fait un nom. Un jour, il rencontre la production « samedi 14 », le courant passe bien, ils travailleront ensemble. Deux ans plus tard, en 2010, sort le premier album : « C’est le public qui réclamait le disque à la sortie des concerts ».

Cet album, il l’a réalisé tout seul mais ça l’a fait ch… de devoir « policer ses chansons pour rentrer dans le moule ». Malgré tout, son style touche. Il chante l’Algérie, la France des immigrés avec une poésie qui ne laisse pas insensible.

Son titre « la java des anges », est un hommage à sa femme Nacera, partie trop tôt : « Elle m’a attendue toutes ces années et elle nous a quittés à la suite d’un cancer ».

Aujourd’hui, il s’est installé à Niort, là où il a vécu avec sa femme après sa sortie. Il s’entraîne dans la salle de boxe, sur le ring, avec sa guitare : « J’ai la sensation qu’elle est toujours avec moi ».

Depuis il enchaîne les salles et les festivals, sauf quand on ne veut pas de lui, comme le directeur du festival de Montauban qui trouvait qu’il « chantait trop l’Algérie ».

Camel ne chantera jamais des « je t’aime moi non plus » et ne fera jamais rien pour devenir « une star » ; la médiatisation, il s’en « tamponne ». Toutes les chansons qui ne rentraient pas dans les cases, il les garde pour le second album. Après, il veut produire des jeunes artistes et continuer de faire plaisir au public, « tant que c’est sincère et que le message passe ».

« Je suis un rescapé du dôme », dit-il. Et c’est tant mieux.

Jonathan Ardines

Camel Arioui est en concert au « Zèbre de belleville », ce mercredi soir à 20H. 63, Boulevard De Belleville, 75011 Paris.