France-Algérie : la symbolique pour guérir les plaies du passé
La France a du mal à aborder de front son histoire coloniale. Et plutôt que de suivre l’exemple de l’Allemagne et de l’Italie qui n’ont pas hésité à demander pardon pour leurs crimes, elle préfère agir par petits actes symboliques pour panser les plaies d’un passé douloureux. En témoigne la visite de l’ambassadeur de France en Algérie à la prison de Serkadji.
A la suite de son prédécesseur Hubert Colin de la Verdière qui, en 2005 à partir de Sétif, a qualifié les événements du 8 mai 1945 de « massacre inexcusable », l’actuel ambassadeur français en Algérie Xavier Driencourt s’est rendu, mardi 11 octobre, à la célèbre prison de Serkadji (ex Barberousse), ce haut-lieu de la torture, pour se recueillir à la mémoire des 199 combattants algériens condamnés à mort et guillotinés par l’administration coloniale.
Reconnaissance mais pas repentance
Mais au-delà de sa charge symbolique, cette visite qui intervient à la veille de la célébration du 50ème anniversaire des manifestations du 17 octobre 1961, n’est pas marquée par des déclarations fortes. C’est tout juste s’il a qualifié les condamnations à mort d’Algériens mais aussi de Français par l’administration coloniale d’ « événements tragiques ».
« Il y a eu des événements tragiques ici, et sans doute, entre 1956 et 1957, l’opinion française n’était pas prête pour l’abolition de la peine de mort. Si elle l’avait été, Ahmed Zabana et Fernand Yveton seraient certainement graciés et en vie aujourd’hui. Ce qui s’est passé entre 1956 et 1957 n’a pu être possible en 1981», professait-il.
Futé, Xavier Driencourt, un proche d’Alain Juppé, c’est-à-dire de la droite, a très subtilement mis cet épisode noir de la colonisation française sur le compte de François Mitterrand, donc de la gauche, qui était à cette époque ministre de la Justice.
« Ce n’est pas innocent que je sois dans cette prison. Ici, dans cette prison, il y a eu 52 exécutions d’Algériens et de Français, comme Zabana et Yveton. 45 d’entre eux ont été exécutés durant la période où Mitterrand était ministre de la Justice (entre 1956 et 1957). Ce même Mitterrand qui, en 1981, a été le promoteur de l’abolition ».
Subtilités de diplomate
Très subtilement aussi, le diplomate français a fait entendre que, sur cette question, l’Algérie n’est pas bien placée pour jeter la pierre à la France. « La peine de mort existe toujours. Elle correspond à un schéma juridique, politique et sociétal. Peut-être que ce schéma n’est pas encore atteint en Algérie qui, depuis 1992 ou 1993, n’exécute plus la condamnation à mort. (…) J’ai noté qu’un certain nombre d’éminents juristes algériens est pour l’abolition de cette peine. En 2004, le ministre de la Justice, l’actuel Premier ministre, Ahmed Ouyahia, s’est déclaré en faveur de cette abolition. En considérant qu’il y a une mondialisation des textes et que tôt ou tard, l’Algérie rejoindrait ce club des pays qui l’ont abolie, chaque chose en son temps», a-t-il relevé.
Et, en bon fonctionnaire, Xavier Driencourt ne s’est pas du tout écarté de la ligne de conduite tracée par les autorités de son pays. Interpellé par les journalistes sur le refus de la France à s’excuser sur le fait colonial, il a rétorqué : « Nous reconnaissons les faits. Nous reconnaissons votre histoire ». « Il faut bien distinguer entre la reconnaissance et la repentance. Personne ne nie qu’il y ait eu des Algériens et des Français non seulement condamnés à mort, mais exécutés. Il y a la reconnaissance que nous faisons tous, vous et moi, et la repentance qui est autre chose », a-t-il encore précisé avant de paraphraser le ministre algérien de la jeunesse et des sports, Hachemi Djiar qui, lors de la visite en Algérie de Jeannette Bougrab, a déclaré qu’ « il faut tourner la page et non pas la déchirer ».
Yacine Ouchikh