France. ACLEFEU veut mettre les quartiers populaires au cœur du débat

Depuis plusieurs semaines, le collectif a relancé sa campagne d’inscriptions sur les listes électorales. Médiatisé puis délaissé par les acteurs politiques en 2007, ACLEFEU veut cette fois aller jusqu’au bout, pour qu’enfin « les oubliés » deviennent la priorité de la campagne.

À l’entrée de la permanence, dans un cadre, Zyed et Bouna dominent le reste de la pièce. Ces jeunes enfants partis trop tôt, sont devenus les symboles du soulèvement des banlieues en 2005.

Un embrasement qui avait mis les pouvoirs publics sens dessus dessous : « Ils ont mis en place un couvre-feu ; je n’en avais vu que deux fois dans ma vie, un à Nouméa, l’autre en Algérie », se rappelle Mohamed Mechmache, président d’ACLEFEU.

Chez lui, à Clichy-sous-Bois, il nous reçoit, souriant et déterminé : « Depuis, les choses n’ont pas cessé de s’aggraver. Les politiciens ont détruit les vieux immeubles mais ce n’est pas suffisant. Ils ont privilégié l’urbain au détriment de l’humain ». C’est pour ces « oubliés de la République » que le collectif se bat depuis sa création en 2005.

Avant les présidentielles de 2007, ACLEFEU bat le pavé, mène une grande campagne, réussie (3 millions), pour inciter les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales. S’ensuivra un tour de France de 6 mois qui débouchera sur un contrat social et citoyen de 114 propositions.

Face à la médiatisation, Corinne Lepage, Dominique Voynet, Ségolène Royal, Olivier Bessancenot, Marie-Georges Buffet et Christine Taubira font le déplacement. Les candidats cochent certaines propositions et apposent leur signature.

Une association de terrain

Depuis ces promesses sans lendemain, le collectif n’a pas pris de vacances. Toujours bien ancré dans les quartiers, il lutte contre l’enclavement et le désarroi des habitants. Le taux de chômage continue de grimper, une hausse de plus de 48 % chez les moins de 25 ans et de 125 % chez les jeunes diplômés d’un bac + 5.

Parler de crise fait doucement rire Mohamed Mechmache : « Ici, ça fait 15 ans que les gens la vivent ». Pour lui, pas de doute, les politiciens sont les premiers responsables : « La problématique des quartiers populaires n’est pas une priorité dans les programmes ».

Mais pas question de se lamenter. Hier mercredi soir, le collectif organisait un grand repas à l’espace 93 de Clichy-sous-Bois. Une belle initiative qui réunissait toutes les familles qui avaient pris part au projet Oxygène cet été. « On a organisé un voyage en Vendée pour toutes ses familles qui tournent en rond ici, qui voient toujours la même chose ».

Les gens sont venus nombreux et à en juger par les sourires, on sent que le collectif apporte une vraie bouffée d’air frais dans leur quotidien. Car avant d’être à la une des médias, les membres d’ACLEFEU sont des acteurs de terrain.

Proches des habitants et de leurs préoccupations, le collectif connaît les problématiques, lui : « Nous sommes là au quotidien. Pour nous, il n’y a rien de nouveau. Pas comme ces collectifs qui n’ont aucun ancrage dans les quartiers », dénonce-t-il.

« La banlieue va faire les élections »

Depuis plusieurs semaines, le collectif a relancé sa campagne d’inscriptions sur les listes électorales. «Nous n’acceptons pas cette fatalité d’abstention. Cette année, ce sera la banlieue qui fera l’élection », avance Mohamed Mechmache.

Demain jeudi soir, ils seront à Marseille en présence de personnalités locales dont Shurik’n du groupe IAM. Un moyen de mobiliser ces jeunes qui peuvent faire pencher la balance.

Et pas question de se faire récupérer « comme toutes ces associations qui gravitent autour du PS », le collectif veut être associé au changement et ne pas servir de faire valoir à certains partis. « On ne sera pas des alibis », prévient son président.

Alors que des pourparlers sont en cours avec différents partis, le collectif prépare la deuxième salve, son tour de France. Avec une dizaine de propositions du cahier de doléances en main, le collectif va aller à la rencontre des gens sur les lieux publics.

« Nous voulons organiser une pétition géante avec des milliers de signatures pour obliger les candidats à mettre la question des quartiers populaires au centre des préoccupations », assène Mohamed Mechmache. Les partis politiques ne vont plus pouvoir faire la sourde oreille bien longtemps.

Jonathan Ardines