France. À Stalingrad on accuse le coup
Les militants et sympathisants du Front de gauche s’étaient réunis hier soir à Paris en attendant les résultats. Face au score « décevant mais encourageant » de Mélenchon et à la montée du FN, ils ne pouvaient cacher leur abattement. (Photo AFP)
« Le FN a 20%, ça fait mal », lâche Farid, militant du Front de gauche, en se tenant la tête à deux mains. Ils sont environ 10 000 ce dimanche soir à avoir fait le déplacement à Stalingrad (Paris) pour attendre les résultats.
À 20 heures, la chape de plomb tombe. « Comment le Front National peut-il faire autant ?! », s’émeut une militante. Le score « décevant mais encourageant » de leur champion semble presque passer au second plan.
Alors quand Jean-Luc Mélenchon se présente à la tribune pour faire son discours, la consternation a gagné tous les visages. Même celui du leader du Front de gauche qui masque difficilement sa déception. Samuel, militant de la première heure, drapeau rouge dans la main a du mal à cacher son amertume : « Je suis assez frustré du manque de ferveur ce soir ». « Pour la première fois Jean-Luc nous a fait un discours creux, il ne nous avait pas habitués à ça », se désole-t-il.
Comme beaucoup ici, malgré l’abattement, Samuel mesure le chemin parcouru : « Il y a 11 mois si on m’avait dit qu’on ferait 11% aux présidentielles, j’aurais signé tout de suite ». Pour lui, ce soir, Jean-Luc Mélenchon a « raté le coche ». « Il aurait dû prendre la mesure du mouvement, s’appuyer dessus et souligner qu’il faut continuer le combat ».
« Voter contre Sarkozy »
Beaucoup ne dissimulent plus leur amertume, voire leur rage. « Tout le monde nous a tiré dessus pendant la dernière semaine, s’insurge Nadia, les médias on s’y attendait, on est habitué, mais que le PS nous tire dans les pattes, ça fait mal ». « On est seuls contre tous », surenchérit Patrick, sympathisant. « On n’a pas besoin d’eux, on a simplement besoin du peuple », se rassure Thierry.
Même si le PS ne fait pas « l’unanimité », ils voteront pour la plupart pour « dégager Sarkozy ».
Un peu à l’écart, deux militants haussent la voix. L’un ne veut pas voter PS car selon lui, « ça sera la même chose qu’avec l’UMP ». Le second lui rétorque que la solution c’est de ne pas « voter pire ». Samuel ne se pose pas la question : « Je resterai fidèle à mes convictions de gauche ». « C’est le dernier représentant de la gauche, je ne vais pas renier mes engagements », assure-t-il.
« Dire que ce sont les jeunes qui votent Le Pen… »
« On fait tout de même un très bon score ce soir, le seul truc qui me fout les boules, c’est le score du FN », témoigne Smaïn. Un peu plus loin dans la foule, deux jeunes militantes ne comprennent pas : « Dire que ce sont les jeunes qui votent en majorité pour Le Pen… ». Samuel ne s’en étonne pas : « Depuis des années, le vote Front National prend une place importance à chaque élection ». Pour lui, il faut « faire une réelle analyse de ce vote, est-il contestataire ou réfléchi ? », se demande-t-il.
Tout doucement les gens quittent la place. Les drapeaux en berne, les visages fermés. Déçus par le score trop « important » du vote extrême. Un homme s’interroge : « Mais elle propose quoi, Marine ?! ».
Malgré la déception, ils seront encore nombreux à continuer le combat et dès « le 1er mai », affirme Samuel. En attendant, la place s’est éteinte petit à petit. Le Front de Gauche espérait une soirée « plus rouge ». Un militant, le poing serré veut continuer d’y croire : « On lâche rien », nous dit-il avant de disparaître dans la nuit.
Jonathan Ardines