Football. Interview de Rachid Mekhloufi : « Je suis allergique à la Coupe d’Afrique »
Pour analyser les tendances dégagées par les premiers jours de la CAN, nous décidons d’appeler Rachid Mekhloufi, la légende du football algérien. Surprise : il n’a pas vu un match. Une position éthique, qu’il nous explique. Au passage, l’ex membre de l’équipe du FLN s’en prend à la tendance des sélectionneurs africains de croire aveuglément aux joueurs formés en Europe.
Rachid Mekhloufi, quelles sont vos impressions sur ce début de CAN ?
Je ne peux pas vous les donner, je n’ai regardé aucun match.
Pour quelles raisons ?
Je ne supporte pas qu’il faille payer pour regarder les matches à la télévision. Personnellement, je fais partie de la minorité qui pourrait me payer un abonnement à Al-Jazeera, la chaîne qui diffuse les rencontres, mais je ne veux pas soutenir ce système. L’Afrique a besoin de voir sa Coupe d’Afrique, mais la télé à péage prive une bonne partie de la population de ce plaisir. L’argent est en train de tuer le football. La FIFA et la CAF ne devraient pas soutenir ce système. Le football est un sport populaire. Les populations des pays non argentés ont le droit d’avoir accès aux matches. C’est aberrant …
Avant le début de cette CAN, aviez-vous tout de même un favori ?
Franchement, je suis devenu allergique à cette coupe d’Afrique ! Désormais, on y retrouve beaucoup de joueurs formés en Europe. Si les clubs européens viennent chercher des joueurs en Algérie, au Maroc, ou en Tunisie, c’est bien que nos joueurs sont talentueux. Je trouve vraiment regrettable que l’Afrique reste un continent exportateur de talents au XXIe siècle. Je n’ai rien contre les joueurs formés en Europe, mais il faudrait au moins faire un mix avec les locaux. Désormais, on a l’impression que dès qu’un sélectionneur apprend qu’un Africain d’origine joue en Europe, il le sélectionne. Ces entraîneurs pourraient pourtant faire bénéficier les locaux de leurs connaissances. En Algérie, par exemple, c’est une catastrophe.
C’est-à-dire ?
Bon, déjà, on ne s’est pas qualifié avec une équipe formée avant tout par des joueurs évoluant en Europe, alors qu’ici il y a un réservoir de talents inouï. D’ailleurs, avec la fondation de l’équipe du FLN, nous ouvrons des écoles de football à travers tout le territoire. Ce que nous observons chez les joueurs de dix à quinze ans est un miracle ! Ils jouent un football moderne, alerte. Le problème, c’est qu’il n’existe pas de structures pour les faire progresser après leurs quinze ans. Nos dirigeants sportifs sont complètement à côté de la plaque.
Propos recueillis par Thomas Goubin