Football. CAN : Gerets et Trabelsi doivent-ils rester ?
En Afrique, rares sont les sélectionneurs à ne pas payer de leur tête, un échec, même relatif, lors d’une CAN. Pour le Maroc et la Tunisie, serait-il pour autant pertinent de virer Eric Gerets et Sami Trabelsi ?
Les deux se savent sur la sellette. Leurs bilans n’ont pourtant pas grand chose à voir. D’un côté, une sélection, la Tunisie, passée à deux doigts de se hisser dans le dernier carré de le CAN. De l’autre, un Maroc, éliminé dès le terme de sa deuxième rencontre.
Qualifiée quasi miraculeusement, personne n’attendait monts et merveilles de la Tunisie. Doté d’individualités brillantes, le Maroc devait, lui, profiter de l’absence conjuguée de l’Egypte, du Cameroun, et du Nigeria, pour retrouver les cimes du football africain. En vain.
Le procès d’Eric Gerets est assez facile à instruire. Pour le premier match face à la Tunisie, ses expérimentations ont coûté très cher aux siens, notamment l’absence d’Adil Hermach, pourtant pilier de la campagne de qualification.
En tablant sur des joueurs encore verts, comme Assaidi ou Amrabat, le coach belge n’a peut-être pas pris la mesure de la difficulté d’une phase finale de Coupe d’Afrique des Nations, où la maîtrise tactique et psychologique, vaut davantage que le talent intrinsèque des joueurs.
Les changements constants de son onze de départ ont aussi donné l’impression que le Belge tâtonnait, à un moment où il aurait du être armé de certitudes.
Trabelsi a des arguments à faire valoir
Pour Sami Trabelsi, les conclusions du tournoi lui sont autrement plus favorables. La Tunisie s’est qualifiée dans un groupe relevé, où elle se trouvait à la lutte avec un favori, le Maroc, et un pays hôte survolté, le Gabon.
En quart de finale, face au Ghana, les Aigles n’ont pas brillé, mais sans une grossière faute de mains d’Aymen Mathlouthi lors des prolongations, la Tunisie aurait pu toucher le gros lot à la loterie des pénaltys.
Si Haggui et consorts n’ont pas offert un football chatoyant, Trabelsi s’est toutefois refusé à enfermer sa sélection dans sa caricature d’équipe destructrice. Attaché à la solidité défensive des siens, le sélectionneur a refusé, pour autant, tout dogmatisme. Ainsi, l’entrée de Jemâa à la place du milieu défensif, Saihi, en seconde période face au Ghana, a failli tourner au coup de maître.
De même, Trabelsi ne s’est pas laissé emprisonner par les hiérarchies établies. Il avait ainsi choisi de se priver de Ben Khalfallah avant la CAN. Il a ensuite provoqué le départ du vétéran Chedli, mécontent de ne pas être pris en compte pendant la compétition. Surtout, devant la forme éclatante de Youssef Msakni, il a rapidement converti le jeune homme en titulaire indiscutable. Quoi que l’on pense de ses choix, Trabelsi a osé trancher.
Si vient à l’esprit des dirigeants tunisiens l’idée de le licencier, le sélectionneur aura un solide dossier à leur opposer. Vainqueur de la CHAN en 2011, invaincu en campagne de qualification, et passé tout près d’une demi-finale lors de la CAN, l’ex défenseur central présente des résultats qui plaident pour le prolongement de son contrat, plutôt que pour sa rupture.
Quant à Gerets, malgré le fiasco de la CAN, sa plaidoirie pourrait comporter un rappel d’un proche passé plutôt favorable. En moins d’un an, le Belge avait redonné confiance au Maroc, au point que les Lions se sont peut-être vus trop beaux au moment de débarquer au Gabon.
Depuis l’élimination de Chamakh et consorts, le Lion de Rekem assure qu’il a déjà l’esprit tourné vers la qualification pour la CAN 2013, et surtout, pour la Coupe du Monde 2014. Gerets veut qu’on lui laisse le temps.
Un historique qui plaide pour la continuité
Entre 2005 et 2010, sept sélectionneurs se sont succédé à la tête des Lions. Une période lors de laquelle les Chérifiens ont multiplié les déconvenues. Côté tunisien, depuis le départ de Roger Lemerre en 2008, ils ont été quatre à se relayer. Lors du mandat de Lemerre, les Aigles ont été sacrés champions d’Afrique en 2004, face au Maroc, et se sont qualifiés pour la Coupe du Monde 2006.
En 2004, le sélectionneur des Lions de l’Atlas se nommait Badou Zaki. L’ex gardien avait pu travailler trois ans, sans interruption, à la tête de l’équipe nationale. Comme pour Roger Lemerre, ce sont ses résultats qui lui ont permis de durer à la tête de la sélection. Mais c’est aussi le travail réalisé en profondeur qui a rendu fertile son mandat.
Alors, pourquoi ne pas miser sur la continuité de Trabelsi et Gerets, plutôt que succomber à la facile tentation de faire du sélectionneur un bouc-émissaire ?
Thomas Goubin