Exclusif. Tous les détails sur le projet de cancéropôle au Maghreb

 Exclusif. Tous les détails sur le projet de cancéropôle au Maghreb

Le cancéropôle maghrébin pourra accueillir 3 800 patients par an et proposera également un centre Check-up Cancer. Photo archives Philippe Merle / AFP.


Alors que le nombre de cas de cancer augmente chaque jour un peu plus sur le continent africain, le docteur Augustin Roquette et son équipe ont décidé de monter un grand centre de lutte contre le cancer au Maghreb. Un moyen de lutter contre un fléau qui met à mal le continent africain. (Photo AFP)




 


« Le cancer dans le monde tue plus que le SIDA, la tuberculose et le paludisme réunis », nous rappelle le Dr Roquette. En France, malgré les 280 000 cas par an, l’augmentation a commencé à ralentir. C’est tout le contraire sur le continent africain.


Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le nombre de cancers en Afrique augmente de façon préoccupante. L’organisation prévoit plus « d’un million de nouveaux cas par an en 2020 ». Pour le Dr Roquette, ces chiffres « seront largement dépassés. Le vieillissement de la population, l’augmentation du tabagisme, la baisse de la fécondité et l’évolution de l’alimentation en Afrique vont dans ce sens ».


L’offre de soins est totalement déficiente sur le continent africain. L’OMS rappelle que chaque mois de retard dans le traitement du cancer diminue les chances de survie de 5%.


 


Le Maghreb en retard


Officiellement, 10 000 cas de cancer sont recensés chaque année en Tunisie. Selon l’OMS, le chiffre réel se situe plutôt entre 15 000 et 30 000 cas. « L’évolution de la cancérologie en Tunisie est calquée sur celle de l’Europe d’il y a une vingtaine d’années », explique le Dr Roquette.


Comparons avec la France. La Tunisie compte 11 millions d’habitants, 6 fois moins que l’hexagone avec ses 66 millions. Il y a 176 centres de radiothérapie en France contre seulement 10 en Tunisie. En 2007, on trouvait 401 accélérateurs linéaires de particules en France contre seulement 2 en Tunisie en 2011. Quant aux médecins spécialistes en radiothérapie, ils pullulent dans l’hexagone avec 656 praticiens. Il n’y en a que 19 en Tunisie.


Encore plus grave, lors du diagnostic, la taille moyenne du cancer du sein en France est de 1 cm, elle est de 4,5 cm en Tunisie, comme dans les années 1970 en France.


La différence est simple. En France il y a des campagnes de préventions régulières et la mammographie est systématique et gratuite tous les deux ans. Cela permet de n’avoir que 20% d’ablation du sein. En Tunisie, le cancer du sein fait des ravages, 80% des patientes subissent une ablation du sein.


L’Algérie et ses 33 millions d’habitants ont 30 000 cas de cancer par an. « Seuls 4 000 vont être traités sur place, les autres ne seront pas traités ou devront se rendre à l’étranger », assure le Dr Roquette.


Dans ce marasme, seul le Maroc s’en sort un peu mieux avec 20 accélérateurs de particules pour 35 millions d’habitants.


 


Un cancéropôle pour mettre fin à cette situation


« Face à cette situation, nous avons voulu réagir », assure le Dr Roquette. Avec l’aide d’investisseurs maghrébins, français et de plusieurs banques, le petit groupe a monté un projet qu’ils veulent « socialement responsable et économiquement viable ». « Nous allons monter une structure grâce à un partenariat franco-africain et qui aura un standard européen », déclare le Dr Roquette.


Il s’agira d’un centre uniquement spécialisé sur le cancer. Le but sera d’en faire un pôle d’excellence et la référence en Afrique. La surface sera de 11 050 m2, il y aura 6 blocs opératoires, 2 accélérateurs de particules. L’hôpital de jour de chimiothérapie comptera 30 lits. Un service d’imagerie médicale sera mis à la disposition des patients.


Enfin, le centre d’hospitalisation chirurgicale, médicale et palliative comptera 120 lits. « C’est peu et beaucoup à la fois. En France, les patients restent 4 jours, ici ils resteront seulement 24 heures, donc ça tournera », nous précise le Docteur. Le centre pourra accueillir 3 800 patients par an.


Mais la vraie nouveauté, « une première dans le monde », sera un centre Check-up Cancer avec des prestations qui seront vendues à prix coûtant afin d’améliorer le dépistage.


Évidemment, tout ceci a un coût. L’offre ne sera pas accessible à tous mais bien aux classes les plus aisées. « Nous allons créer une fondation à côté qui va récolter des fonds sur le Maghreb pour pouvoir aider les plus démunis à se faire soigner », rajoute le Dr Roquette.


 


A Tunis ou Casablanca


Le centre sera construit soit à Tunis soit à Casablanca. Au départ, il aurait dû se faire en Tunisie, mais le bouleversement politique du pays a changé la donne. « Pour ce centre, nous avons besoin d’un soutien gouvernemental. Nous avons rencontré les ministres de la santé, nous attendons des nouvelles », explique le Dr Roquette.


Il y aura de nombreux avantages pour le pays d’accueil. De la création d’emplois avec 300 nouveaux postes. « Pour comparer, il y a 3 000 médecins au chômage en Tunisie », rappelle le Dr Roquette. Tous les membres du centre seront embauchés dans le pays d’accueil. Un partenariat sera mis en place avec la France, déjà validé par le consulat pour donner des visas aux enfants atteints d’un cancer qui viendront se faire soigner dans l’hexagone.


La décision et le lancement devraient être officialisés en juin 2012. « Le projet est structuré et prêt à démarrer, il ne manque plus que le soutien gouvernemental », déclare le Dr Roquette. Le centre devrait ouvrir ses portes d’ici deux ans si tout va bien.


Jonathan Ardines