EXCLUSIF: La vérité sur le départ de Ben Ali

Contrairement à ce qui a été écrit par de nombreux confrères en France, Zine Ben Ali, le dictateur déchu, ne s’est pas enfui. Il a quitté la Tunisie un peu par hasard et, pensait-il, pour quelques heures seulement.
Le jour fatidique, l’insurrection est générale dans le pays. Ben Ali est hagard, perdu. La veille, 28 personnes avaient été tuées à Tunis, dont 8 au Kram, quartier populaire pas très éloigné des quartiers chics de Carthage et Sidi Bou Said où résident les dignitaires du régime et où se trouve le palais présidentiel. Trois maisons appartenant à des membres du clan Ben Ali-Trabelsi sont incendiées, le mardi, le jeudi et ce vendredi en fin de matinée.
Ce vendredi donc, alors que la foule enfle et gronde devant le ministère de l’Intérieur, avenue Habib Bourguiba, la panique gagne le palais.
En milieu de journée, ils sont  selon les sources, entre 60.000 et 100.000. L’avenue est noire de monde. L’insurrection prend le contrôle de la ville. Devant le ministère de l’Intérieur, la tension est à son comble, plusieurs cordons de forces anti-émeutes font barrage dans une situation tendue et survoltée; mais les manifestants sont pacifiques.
Les sécuritaires ont peur que les funérailles au Kram ne tournent à l’émeute.
Devant l’ampleur de l’insurrection, la panique gagne le palais. Des sources sûres nous indiquent que le pouvoir est alors désemparé, qu’il vacille et qu’au plus haut niveau de l’Etat, l’inquiétude laisse place à la peur. Des responsables de la sécurité annoncent au président que la situation n’est plus maîtrisée nulle part, même pas aux abords du palais. En début d’après-midi, Sériati annonce au président qu’un hélico armé arrive pour bombarder le palais. Info aussitôt démentie par le ministre de la Défense, seul habilité à autoriser le décollage des avions militaires..

Les brigades anti-émeutes et anti-terroristes prennent place devant les maisons des notables du régime à Carthage et Sidi Bou Saïd, dans un déploiement sinistre. Les snipers de la police, avec leurs fusils de précision et leurs gilets pare-balles, montent sur les toits des villas.  La peur enserre les beaux quartiers.
Le matin, Leila Trabelsi, la femme du président, avait déjà cédé à la panique. Elle prévient son clan qu’il faut quitter le pays pour se faire un peu oublier. Elle-même décide d’aller effectuer une « omra » ou petit pèlerinage, en emmenant avec elle son fils de six ans et sa fille Halima, 18 ans. Les membres du clan Trabelsi, qui s’étaient tous réfugiés chez leur sœur, dans le palais de Sidi Bou Said, rejoignent l’aéroport en début d’après midi, sauf Belhassan parti dans son yacht et Sakhr parti la veille au soir dans son avion.
Leila Trabelsi se rend à l’aéroport militaire d’El Aouina avec ses deux enfants, et elle attend dans le salon d’honneur, qu’on prépare l’avion. Elle est tellement impatiente de partir qu’elle préfère attendre sur place, le temps qu’on sorte l’avion du hangar, qu’on le prépare et que l’équipage arrive.
Le dictateur, au palais présidentiel, reste en contact avec elle et, on ne sait quel déclic s’est produit dans sa tête lorsqu’il se lève et décide de la rejoindre pour saluer son fils. Il laisse d’ailleurs ses lunettes sans lesquelles il ne peut lire. Dans le couloir, il appelle son planton et lui demande de lui amener sa veste et lui annonce qu’il revient dans peu de temps.
A l’aéroport, il faiblit devant les supplications de son fils, et décide de les accompagner à Jeddah et de revenir le lendemain dans le même avion. Il est 17h45, le couvre feu entre en vigueur dans 15 mn, le destin de la Tunisie bascule…
Sériati décide de rester prendre un café dans le salon d’honneur : prévenu par le commandant de la base militaire, le ministre de la Défense ordonne son arrestation.
Entretemps, l’un des adjoints de Sériati prend une initiative personnelle après avoir été avisé du départ du chef de l’Etat : il appelle les présidents des deux chambres ainsi que le premier ministre, et leur intime l’ordre de venir au palais lire une déclaration par laquelle ils constatent l’absence « provisoire » du président et d’invoquer l’article 56 de la Constitution pour déclarer le premier ministre provisoirement Chef de l’Etat.