Enquête sur les attentes politiques des Marocains : la blogosphère passée au crible

 Enquête sur les attentes politiques des Marocains : la blogosphère passée au crible

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Les médias attendent avec impatience les résultats de l’enquête sur les attentes des Marocains face aux élections du 25 novembre, réalisée par un think tank européen qui a sondé la riche blogosphère marocaine. Quelques résultats sont livrés en avant-goût : la jeunesse marocaine juge les réformes insuffisantes et la radicalisation est absente dans leur discours.

Après la Tunisie, le Maroc attire toute l’intention des observateurs européens. Participation massive ou boycott ? Gouvernement islamique ou libéral ? Le futur de la rive sud de la Méditerranée préoccupe les riverains du nord. Aussi, l’institut Thomas More, think tank  européen  basé à Paris et Bruxelles,  a effectué un partenariat avec la société Tendances Institut, afin de réaliser une enquête sur la sociologie politique marocaine.

Pour cible, Tendances Institut est allé fouiner du côté de la blogosphère marocaine. Un environnement riche, actif, où foisonnent les opinions divergentes et les échanges fructueux. La blogosphère marocaine est considérée par la société comme la plus dynamique du Maghreb, la plus ancienne et la plus libre. On  compte près de 10,2 millions d’internautes dans le Royaume contre  3,9 millions en Tunisie et  6 millions en Algérie.

Une jeunesse inquiète mais pas radicalisée

Un nuage de tags révèle les mots clés les plus utilisés par la blogoma.  Le mot « politique » est indissociable du mot  « jeunes ». Selon l’enquête, la  jeunesse marocaine s’intéresse beaucoup plus à la vie politique que son aînée et s’exprime sur le sujet avec plus d’aisance et de liberté. Un intérêt et une liberté qui ne sont pas récents, même si le printemps arabe a contribué à les booster.

Le think tank note, par contre, une forte modernisation de la relation à la politique, avec une nette fragmentation de l’opinion des internautes qui expriment leurs attentes quant aux programmes des partis. L’enquête révèle de sérieuses inquiétudes au sujet de la question économique et sur la capacité du gouvernement à offrir des perspectives intéressantes à la jeunesse, à la lumière des réformes, jugées insuffisantes par la plupart des internautes.

En termes d’attentes, une régulation plus sévère sur la corruption, plus de transparence et de justice sociale reviennent dans tous les discours de la blogoma.

La question qui se tapit sous cette enquête est évidente, même implicitement. Au vu des résultats du scrutin tunisien et des penchants égyptien et libyen, des signes de radicalisation sont recherchés dans la société marocaine.

A ce sujet, l’enquête est rassurante. Il n’est pas remarqué de hausse notable de l’intérêt pour les thématiques radicales, les Marocains tenant particulièrement aux avancées en matière de libertés individuelles.

Qui pense islamisme, pense PJD. Toujours d’après l’enquête du think tank européen, le Parti de la Justice et du Développement est perçu  comme archaïque et  peu en phase avec la société. Il ne semble pas privilégié, même si les sondages locaux le désignent comme potentiel gagnant. L’enquête prévoit une configuration comparable à celle de 2007 où le PJD n’avait obtenu que 46 sièges sur 325 au Parlement marocain.

Un échantillonnage élitiste ?

La blogosphère marocaine pétille d’énergie et de talents. Des blogs politiques, il y en a des centaines, mais certains sortent du lot. Le Blog de Larbi, d’Ibn Kafka, Almiraat de Hisham, l’excellent blog humoristique Fhamator ou encore le collectif militant Mamfakinch sont des références dans la blogosphère marocaine francophone.

Cependant, il sert à rappeler que la blogoma marocaine compte au moins autant de blogs arabophones, qui partagent le même engouement pour la question politique mais pas forcément les mêmes opinions, étant davantage tournés vers les valeurs orientales en raison de l’interactivité avec les blogs des autres pays arabes.

La méthodologie sociologique de l’enquête s’est appuyée sur l’analyse lexicométrique des discours tenus sur le web. Il n’est pas précisé si la blogoma arabophone a été couverte par ce ratissage qui permet d’identifier les évolutions sociétales et leurs orientations. L’omission de cette tranche d’internautes pourrait représenter une défaillance dans cette étude.

A la publication du think tank américain Hudson de son rapport, la semaine dernière, qui donnait à peu près les mêmes tendances par rapport au PJD, Mustapha Khalfi, directeur de la publication Attajdid proche du parti islamique, a rejeté les enquêtes non basées sur des études de terrain.

Dans l’attente de la publication de l’enquête, prévue le 14 novembre, il sert à rappeler que la blogosphère marocaine renferme une élite cultivée et dynamique qui est loin de représenter le Maroc enclavé.

Fedwa Misk