Egypte. Moubarak ne coulera pas tout seul Dans son premier interrogatoire, il nie en bloc
Niant en bloc toute responsabilité dans la mort de près de 900 manifestants durant le soulèvement populaire de l’hiver dernier, l’ancien président égyptien Hosni Moubarak a décidé de trainer dans sa chute tous ceux qui s’accrochaient aux pans du pouvoir tout au long de son mandat.
Face à des accusations voulant qu’il ait ordonné l’usage d’une force excessive contre les manifestants durant le soulèvement de la place Tahrir, qui l’a forcé à démissionner, Hosni Moubarak, âgé de 83 ans, emploie ce qui lui reste de force pour nier catégoriquement toute connaissance des faits. Le pv de son premier interrogatoire vient d’être publié au Caire. Le Courrier de l’Atlas l’a lu.
Les « oui, mais… » du président
« J’ai regardé la télé par hasard et j’ai constaté avec fort étonnement ce qu’on a appelé « la bataille des chameaux » ! », dit-il essoufflé. L’ancien président est en détention dans un hôpital public où on a préféré l’interroger par mesure de sécurité.
Sous l’insistance de l’inquisiteur, Hosni Moubarak change de discours : «Oui, mais personne n’aurait prêté attention à moi ou à mes ordres», dit-il pour justifier l’absence d’intervention pour faire cesser les violences. Il explique ensuite que les forces de sécurité, n’ayant pas l’habitude des émeutes, ont tout simplement perdu le contrôle et agi de leur propre chef.
Les enquêteurs matraquent. Ils passent d’un sujet à un autre sans lui accorder de répit.
70 milliards de livres dans des banques américaines, britanniques et suisses : chiffre avancé dans le dernier rapport de l’Autorité Nationale de Sécurité et complètement rejeté par l’ex-président. « Ma fortune s’élève à plus de 6 millions de livres dans les banques égyptiennes et je n’ai aucun compte à l’étranger, ni avant ni depuis le soulèvement populaire ». Concernant Alaa et de Jamal Moubarak, Hosni Moubarak acquiesce : « Oui, ils en ont, mais je n’ai aucune idée sur les montants déposés ».
Question : « Avez-vous accepté des cadeaux sous forme de lingots d’or ? ».
Réponse : « Oui, mais pour les remettre au musée militaire ».
Question : « pourquoi ne figurent-ils pas dans la liste des acquisitions du musée ? »
Réponse : « je les ai ramenés chez moi pour en vérifier le contenu puis je les ai oubliés… ».
Quant à l’accusation d’avoir permis l’accession de ses proches aux plus hauts postes de l’Etat, Hosni Moubarak prétend que « Jamal a accédé aux postes les plus importants grâce à ses compétences et non grâce à moi. Seule son expérience au Bank of America lui a permis de représenter le Central Bank of Egypt ».
Ce n’est pas moi, c’est les autres…
« Omar Souleimane ment !». Hier meilleur allié et vice-président, aujourd’hui rival et presque ennemi. Les propos recueillis de l’ex Directeur des services des renseignements généraux n’arrange pas Hosni Moubarak à propos de la nature de sa relation avec l’homme d’affaire Hussein Salem ou au sujet des marchés de pétrole et de gaz conclus avec Israël.
L’ex-premier ministre Atif Oubid s’ajoute à la liste des dénoncés du président, ainsi que Rachid Mohamed Rachid, l’ex-ministre du commerce et de l’industrie. Hosni Moubarak persiste à affirmer son ignorance des termes des marchés conclus, des commissions touchées et des pertes considérables inhérentes à la gestion aléatoires du bien public par ces gens là.
A plusieurs reprises, le président déchu éclate en sanglots et pique une crise forçant l’arrêt de l’enquête et l’intervention urgente de son équipe médicale.
La publication de l’interrogatoire survient au milieu d’une nouvelle vague de manifestations à travers le pays, dont un sit-in qui dure depuis une semaine sur la place Tahrir du Caire. Les manifestants exigent que soient jugés les responsables de la mort de civils lors du soulèvement.
Peut-on y voir une manière de calmer l’ire du peuple ?
Actuellement, des sources non officielles avancent que l’état de santé de l’ancien président s’est détérioré considérablement et l’on parle même d’un coma. Il n’y a cependant aucun changement concernant la date de son procès, censé s’ouvrir le 3 août.
Fedwa Misk