Edito A propos des dérives de l’antiracisme
Voilà plusieurs jours maintenant qu’une véritable tempête se déchaine sur les réseaux sociaux au sujet du dossier publié dans la dernière livraison de notre magazine (Le Courrier de l’Atlas. Octobre 2011) sur les dérives de l’antiracisme. Un dossier qui, sur le fond, affirme la chose suivante : les luttes antiracistes aujourd’hui se sont détachées des valeurs universalistes pour tomber dans la défense d’identités spécifiques qu’elles contribuent à construire et à renforcer.
Jusqu’à aujourd’hui, aucun des commentaires ou articles publiés en réaction à ce dossier n’a apporté une contre-argumentation à notre constat, et encore moins aux arguments avancés. Les seules choses diffusées : des insultes contre le magazine, taxé d’« islamophobe », de « laïcard », de « républicaniste » ou de « vendu aux puissants ». Des journalistes ont reçu des mails d’insultes, certains de leurs amis ont été sommés de se désolidariser sous peine de voir leurs noms jetés en pâture.
La tempête est ainsi devenue cabale. Une cabale qui en dit long sur le climat de terrorisme intellectuel qui règne. Rompre le consensus, aujourd’hui, dire autre chose que ce que tout le monde répète, ce n’est plus permis. Or une démocratie, ce n’est pas établir un consensus et s’y tenir : c’est apprendre à gérer pacifiquement les dissenssus. A voir la violence des réactions, on peut se dire que le chemin est encore long. Et ces mêmes qui battent le pavé pour soutenir les peuples arabes en quête de démocratie, devraient commencer à appliquer eux-mêmes les règles élémentaires du jeu démocratique.
Mais au-delà de tout cela, trois choses sont graves.
La première, c’est la mémoire sélective dont ces personnes font preuve depuis le début de la semaine. Lorsque le magazine publiait un dossier inédit sur les réfugiés de Lampedusa, démontait tout le débat sur l’identité nationale, dressait des portraits au vitriol de Zemmour ou Hortefeux, lorsque, enfin, il dénonçait la politique de l’immigration ou qu’il publie dans ce même numéro, un dossier inédit au sujet du 17 octobre, il n’a reçu aucun message. Silence.
Ceci ne dit qu’une chose : ces gens ne savent parler que pour dénoncer, se plaindre au lieu de se joindre à un acte ou à un propos positif. En un mot, ils ne savent parler que depuis une posture victimaire, laquelle induit des bons et des méchants. Un raisonnement binaire qu’on leur connaissait déjà, mais dont ils viennent de donner encore une fois la preuve.
La seconde, c’est le fait de mettre tout le magazine sur le banc des accusés, sur la base d’un seul dossier. Fallait-il donc attendre un prétexte pour trouver le courage de se dévoiler enfin et de tirer à boulets rouges sur le magazine ? Fallait-il une excuse pour s’engouffrer dans la brèche et démolir l’ensemble de l’édifice ? Ouvrir les vannes pour déverser ainsi son flot d’injures au lieu d’user d’un droit de réponse, de commentaire, de critique, qui n’a jamais été refusé à qui que ce soit dans le magazine. Ce n’est ni très courageux, ni très honnête. Certaines réactions ressemblent même à des règlements de comptes qui n’ont rien à voir avec le dossier mis en cause : ce n’est pas très propre, surtout de la part de ceux qui nous sollicitaient il y a peu encore pour diffuser leurs articles.
La troisième, enfin, c’est de voir à quel point le visage que montrent des membres de ces associations depuis quelques jours est désolant. Ils font tout ce qu’ils reprochent aux autres: manifester une intolérance totale à la critique, tirer des généralités d’un fait particulier, ostraciser et stigmatiser tous ceux qui ne sont pas d’accord. Aucun dialogue possible, aucune écoute possible, une condamnation en bloc de tout le magazine et de ses journalistes, une violence verbale inouïe : voilà à quoi se résume leur « réponse ».
Le magazine répondra aux arguments et aux critiques, s’ils viennent un jour. Mais certainement pas aux insultes. Parce qu’au combat qui aveugle, il a toujours préféré le débat qui éclaire. Mais pour cela, il faut être prêt à voir.
La rédaction de
Le Courrier de l’Atlas