Coup d’envoi de l’élaboration de la nouvelle Constitution, La Tunisie retient son souffle
Quasiment quatre mois après les élections de la Constituante, deux mois et trois semaines après sa session inaugurale, l’Assemblée nationale constituante se penche enfin sur ce qui est sa tâche première : la rédaction d’une nouvelle Constitution.
Entre la longue recherche d’une coalition gouvernementale, les interminables discussions autour du règlement intérieur de l’Assemblée et celles portant sur le fonctionnement des pouvoirs publics provisoires, les tergiversations qui ont coûté 100 jours à la stabilisation du pays laissent-ils présager d’un blocage similaire, aux conséquences plus graves s’agissant d’une loi fondamentale cruciale pour la destinée du pays ?
La logique partisane constatée jusqu’ici est-elle le prélude à des dissensions de plus grande ampleur dès lors qu’il s’agira de débats de fond cette fois, notamment celui de la place du religieux dans l’Etat ?
Difficile de ne pas être en droit de le penser, au vu des six commissions à la composition plutôt hétéroclite qui ont été formées (chacune est spécialisée dans un aspect précis de la future Constitution dont il s’agira d’écrire un premier brouillon), même si la recherche d’un consensus semble avoir présidé à l’esprit de ces équipes.
Chaque commission sera composée de 22 membres. Elles seront dominées par Ennahdha avec 9 représentants. Le reste se décline comme suit : 3 du CPR, 3 du fraîchement constitué « Groupe Démocratique » (PDP – Afek – PR), 2 d’Ettakatol, 2 du groupe « Liberté et Dignité » et 1 pour les indépendants.
Composition des commissions, quelques noms célèbres :
Commission chargée du préambule, principes généraux et amendements : Sadok Chourou (Ennahdha), Ameur Larayedh, Abdelmajid Nejjar, Maya Jeribi (PDP), Issam Chebbi (PDP), Taher Hmila (CPR), Mouldi Riahi, Lobna Jeribi…
Commission Droits et Libertés : Habib Ellouze, Iyad Dahmani (PDP), Selma Baccar (PDM), Ahmed Brahim (PDM), Brahim Guessas (Aridha Chaâbya)…
Commission Pouvoirs législatif et exécutifs : Walid Bennani, Hédi Brahem, Ahmed Néjib Chebbi (PDP), Samir Taieb, Amor Chetoui, Samia Abbou (CPR)…
Commission Juridictions de l’ordre judiciaire, administratif financier et constitutionnel : Latifa Habbachi, Fadhel Moussa (PDM), Abderraouf Ayadi (CPR), Azad Bady, Abdelaziz Kotti…
Commission Institutions constitutionnelles : Slimane Helal, Nadia Chaabane, Mehdi Ben Gharbia, Noomane Fehri, Mohamed Karim Krifa…
Commission Collectivités publiques régionales et locales : Imad Hammami, Chokri Yaiche, Jalel Bouzid, Fayçal Jedlaoui…
Rappelons que la présidence de la commission mère chargée de la rédaction de la Constitution est revenue à Mustapha Ben Jaâfar, et qu’Habib Khedher (Ennahdha) a été élu de justesse rapporteur général de la rédaction de la Constitution.
Concrètement, la Constitution devra être adoptée article par article à la majorité absolue (ce dont dispose le seul groupe Ennahdha + CPR), mais l’ensemble devra être adopté à la majorité des deux tiers, et soumis à référendum en cas d’absence de cette majorité, une Constitution nécessitant une légitimité forte.
Où en est l’ANC aujourd’hui ?
Nous en sommes encore au stade des gestations diverses. Karima Souid, assesseur du Président de l’Assemblée, chargée des relations avec les médias, nous a annoncé que les premières réunions des commissions ont débuté hier lundi et vont d’abord décider de leur propre mode de fonctionnement.
Demain mercredi à 10h00 aura lieu une conférence des présidents de ces commissions pour finaliser leur organisation des et surtout leur agenda (calendrier).
Elle nous explique que les commissions comptent a priori dépasser les divergences entre les uns et les autres et travailler dans une logique productive, consensuelle et d’intérêt national.
Peut-être un vœu pieux connaissant déjà une partie du contenu de la proposition de Constitution que s’apprête à faire Ennahdha, sachant qu’elle fixe le seuil des demandes religieuses très haut, et qu’un Sadok Chourou, chef de file de son aile la plus radicale, sera l’un des membres chargés ni plus ni moins du préambule de la Constitution…
N’oublions pas enfin les quelques projets de constitution proposés par des figures de la société civile, l’UGTT et d’autres partis. Néanmoins, ils sont évidemment non contraignants, et au vu de la façon avec laquelle fut ignorée il y a quelques semaines la proposition de « mini Constitution » initiée par Yadh Ben Achour, les chances pour leur prise en considération restent faibles.
En voici une liste non exhaustive :
Commission d’experts d’Yadh Ben Achour : http://bit.ly/xdMjR4
Le constitutionnaliste Sadok Belaid: http://bit.ly/xZfUos
Dostourna: http://bit.ly/yRbL1I
Afek Tounes: http://bit.ly/xuisWd
L’UGTT: http://bit.ly/xg3fFC
En attendant, les 18 mois dont parle Hamadi Jebali, à compter de maintenant, qui nous séparent des futures élections législatives et / ou présidentielles, laissent présager d’un an minimum avant l’adoption de la 2ème Constitution de l’Histoire de la Tunisie, si l’on considère que l’organisation des élections prendra 6 mois au bas mot selon la plupart des analystes.
Seif Soudani