Conférence de presse du colonel Samir Tarhouni, chef de la BAT Témoignage d’un acteur clé d’une journée historique
Une conférence de presse conviée au tout dernier moment, une tension palpable aux abords de la Kasbah, un dispositif sécuritaire des grands jours : le décor était planté ce matin 11h00 pour une conférence de presse qui s’annonçait historique.
Il faut dire que le contexte contribue à créer un effet d’attente considérable : une journée du 14 janvier toujours largement entourée de mystère, combinée à quelques fuites de membres de la BAT savamment orchestrées par la presse alternative ; ajoutez à cela les spéculations et rumeurs qui vont bon train depuis la libération de quelques dignitaires de l’ex régime, et vous obtenez la sortie médiatique probablement la plus attendue depuis la révolution.
Ce n’est pas tous les jours qu’un « ninja » s’exprime publiquement, ironise-t-il. Samir Tarhouni, colonel dans le corps d’élite parmi les élites, la Brigade Anti Terroriste commence par les présentations. Ex officier de la sécurité présidentielle jusqu’en 2006, c’est un homme du sérail. Sans cagoule, l’air affable, il revient sur le fil des événements de l’après-midi du 14 janvier avec une certaine bonhomie et une apparente sincérité, presque avec légèreté, certainement avec modestie.
Le récit qu’il fait des quelques heures fatidiques qui ont scellé le sort de tout un pays correspond quasiment point par point à ce que nous avions déjà évoqué dans les colonnes du Courrier de l’Atlas, à quelques précisions et subtilités près.
Première révélation : le rôle joué par la propre épouse de l’officier qui s’avère être contrôleuse aérienne. Ainsi elle lui aurait été d’un précieux secours dans le repérage des différents avions et jets privés en attente de décollage ce jour-là. A ce propos, on a reproché à Tarhouni de ne pas avoir neutralisé le jet de Cyrine Ben Ali, fille de l’ex président, alors qu’il fut de son propre aveu possible de le faire.
Autre révélation d’importance : la désobéissance généralisée au sein d’une grande partie des forces spéciales face aux ordres de l’ex-régime à partir du moment où on leur a demandé de se préparer à tirer à balles réelles sur la foule. Ce qui explique l’accélération des événements que l’on connaît.
Quant aux arrestations elles-mêmes des membres du clan Trabelsi, aucun d’eux n’aurait montré la moindre résistance, mais Imed Trabelsi a dû être piégé : contactant l’officier chargé de sécurité de l’aéroport, on lui aurait dit que rien n’était à signaler et qu’il pouvait venir embarquer…
Quelques anecdotes insolites aussi, comme celle où lorsque Mohamed Ghanouchi prenait les rènes de la présidence en vertu de l’article 56 de la Constitution appela Tarhouni et demanda à celui-ci s’il comptait lui rendre le pouvoir.
Au final, une certaine langue de bois est réapparue lors de la séance questions plutôt décevante où beaucoup de questions restèrent sans réponse, comme celle de savoir qui donna les ordres de charger les armes en vue de tirer.
Ce qui est confirmé désormais de différentes sources, c’est qu’une partie de la police (puis de la gendarmerie) s’est rebellée ce jour là ; qu’elle a arrêté les membres du clan Ben Ali-Trabelsi qui voulaient fuir ; qu’elle a fermé l’aéroport de Tunis ; qu’elle a refusé de les libérer malgré l’intervention du président par le biais de la sécurité présidentielle ; et qu’entre l’armée et la police, il n’y a pas eu d’incidents ni risque de confrontation comme on a pu le supposer à un certain moment.
S.S.