Cinéma : Le chat du rabbin, un conte pour la tolérance
Après quatre ans de travail, l’adaptation au cinéma de la bande dessinée en cinq tomes du «Chat du rabbin» sort enfin en salles. Un tendre plaidoyer antireligieux qui prône la tolérance entre les différentes confessions.
Un conte philosophique
L’histoire se passe à Alger aux alentours des années 20. Le chat du rabbin mène une vie paisible auprès de sa maîtresse Zlabya et le père de cette dernière, le rabbin, jusqu’au jour où il croque le perroquet de la maison. Ce crime lui donne le pouvoir de la parole. Mais les premiers mots qu’il prononce servent à exprimer un mensonge puisque, des plumes du perroquet aux coins des babines, il affirme n’avoir ni tué ni mangé l’oiseau. Découvrant cela, le rabbin décide d’éloigner le chat de sa fille. Mais le félin malin, bien déterminé à retrouver les genoux de sa maîtresse, souhaite se convertir au judaïsme et faire sa bar-mitsva.
Les péripéties qui suivront entraîneront le chat à la rencontre des religions (essentiellement juive et musulmane) à travers des croyants aux tempéraments différents (modérés, éclairés, extrémistes). Le chat impertinent, qui occupe le rang de narrateur, commente et juge les actions des personnages et en profite pour remettre en question certains fondamentaux religieux non sans rappeler le Candide de Voltaire.
Des bulles au grand écran
Il y a quatre ans, Joann Sfar et ses amis Clément Oubrerie (dessinateur) et Antoine Delesvaux (producteur) s’associent pour fonder Autochenille Production dont l’adaptation de la bande dessinée en cinq tomes «Le chat du rabbin» (publié à près d’un million d’exemplaire) constituera la première réalisation. Sa femme, Sandrina Jardel, s’occupe du scénario extrait des tomes un, deux et cinq. Doté d’un pilote de 90 secondes, les trois compères démarchent les financiers durant une année. Au total, le film aura coûté 12,5 millions d’euros.
Le tournage commence alors par un mois de lectures réunissant les acteurs maquillés et costumés : François Morel dans le rôle du chat de rabbin, Hafsia Herzi dans celui de Zlabya, Maurice Benichou dans celui du rabbin et Fellag en cheikh Mohammed Sfar. S’en suivent des mois de travail acharné pour conserver le crayonné de Joann Sfar et obtenir une animation fluide. Grâce au travail sur les couleurs et la 3D, le spectateur plonge dans un univers qui évoque les à-plats et les techniques d’animation en papier découpé de certains contes orientaux comme «Les aventures de Sindbad le marin». Le résultat est un film intelligent, plein d’humour (voir la parodie de Tintin), entièrement réussi au niveau esthétique qui tord le cou aux «vérités» de chacun des personnages et donc de nous tous. Mais, à trop vouloir bien faire (concentrer une histoire riche en 1h40), le discours du film perd un peu de la profondeur et des nuances utiles de bande dessinée au profit d’un message respectueux de la bienséance et remplis de bons sentiments : «aime ton prochain comme toi-même», cite un des personnages.
Gypsy Allard