Café Argana – La peine capitale de retour au Maroc

 Café Argana – La peine capitale de retour au Maroc

Les familles des victimes françaises se disent scandalisées par le peu d’années de prison dont écopent les complices de Adil Al-Atmani. Photo AFP.

L’auteur de l’attentat à la bombe au café Argana, Adil Al-Atmani, vient d’écoper de la peine capitale au tribunal anti-terroriste de Salé. Alors que les associations des droits de l’homme se pensaient proches de l’abolition de cette peine qui n’est plus en application depuis 1992, la condamnation du présumé coupable de l’attentat vient couler leurs espoirs. Il faut cependant rappeler que la nouvelle constitution fait explicitement mention du droit à la vie, ce qui ouvre la voie à l’abolition, et que la peine capitale n’est pas appliquée au Maroc.

28 avril dernier, un attentat terroriste au café Argana, dans la mythique place de Jamaa l’fna de Marrakech, fait dix-sept morts, dont huit Français et trois Suisses. Rapidement, une puce téléphonique retrouvée sur les lieux du crime conduit à Adil Al-Atmani, un jeune homme souriant, intrigant de flegme et de confiance. L’accusé avoue avoir perpétré le crime, reconnaît ses complices et déclare, sous l’ahurissement total de l’opinion publique, être prêt à réitérer son acte s’il le pouvait.

Mais voilà qu’au tribunal, le jeune homme se rétracte et nie en bloc toute responsabilité dans ce crime, interpelant le Roi pour réclamer son secours, et annonce n’avoir jamais mis les pieds à Marrakech de toute sa vie. Les 8 complices nient également leur implication dans l’attentat. Vendredi dernier encore, les neufs accusés continuaient à nier en bloc l’ensemble des charges, précisant qu’ils n’ont aucun lien avec le terrorisme et affirmant leur innocence, en présence des familles des victimes et des proches des accusés.

Verdict mitigé

Les accusés sont coupables d’avoir «porté gravement atteinte à l’ordre public, assassinat avec préméditation (…) et appartenance à un groupe religieux interdit ». Verdict : peine capitale pour le présumé responsable de l’attentat, Adil Al-Atmani, prison à perpétuité pour son complice Hakim Dah, quatre ans de prison pour quatre des sept autres accusés et deux ans de réclusion pour les trois autres. Le tribunal anti-terroriste de Salé n’innocente aucun des accusés.

Ces condamnations ne contentent personne. D’un côté, les familles des accusés crient à l’injustice et réclament l’innocence de leurs fils. D’un autre, les familles des victimes françaises se disent scandalisées par le peu d’années de prison dont écopent les complices.

«C’est inacceptable et inadmissible de condamner à seulement quatre ans de prison des complices. Cela veut dire que vous pouvez aider un terroriste assassin et n’écoper que de quatre ans. On a perdu confiance en la justice marocaine », déclare Isabelle Dewally, mère de Camilla, 10 ans, victime de l’attentat. Jacques Sombret, lui, a perdu sa fille de 40 ans. Racontant que certains accusés ont même remercié la cour pour la sentence, il déclare : «Le monde va rire de votre justice ; le Maroc m’a trahi ».

Et si les familles françaises refusent la peine capitale dont a écopé Adil Al-Atmani, c’est pour ne pas en faire un martyr du Djihad et non contre la peine de mort qui, en France, a été abolie depuis 1981. Les associations de droits de l’homme au Maroc déchantent, elles qui rêvaient de la supprimer du code pénal depuis des années, surtout qu’elle n’est plus appliquée depuis l’affaire du commissaire Tabit en 1992.

A la surprise de tous les observateurs du procès, dès le lendemain, le parquet a fait appel, pour racheter la « bévue » de la justice marocaine, à la grande satisfaction des familles des victimes étrangères.

Fedwa Misk