Arabie Saoudite -Les Saoudiennes auront le droit de voter (en 2015)
Alors que le droit de vote pour les femmes a été instauré en Tunisie en 1957, une année après l’indépendance, les Saoudiennes se voient accorder ce droit pour la première fois à l’occasion des élections de 2015. Décision historique tout de même.
Au moment où l’on s’y attendait le moins, la grande nouvelle est tombée hier dimanche, les femmes saoudiennes pourront voter et se présenter aux élections municipales. Le roi Abdallah d’Arabie Saoudite, sur le trône depuis 2005, a également annoncé dans son discours annuel prononcé devant Majlis al-Choura, qu’elles auront le droit de siéger en tant que membres de plein droit dans ce même conseil consultatif. Des élections municipales doivent se tenir au courant de cette semaine, les deuxièmes dans l’histoire du royaume wahabite.
Dans une monarchie ultraconservatrice, abritant les lieux saints de l’Islam, où seules des élections municipales sont organisées. Ces décisions dont l’entrée en vigueur est prévue en 2015 sont considérées comme une extraordinaire avancée dans le domaine des droits des femmes à qui on interdit encore de travailler, de voyager seules, de se faire opérer sans l’accord d’un mâle proche ou de prendre le volant.
Quoi qu’il en soit et par décision du roi, les saoudiennes pourront non seulement déposer leur bulletin dans l’urne mais aussi se présenter comme candidates et intégrer le Majlis al-Choura lors du prochain mandat, après le scrutin municipal qui va se tenir ce jeudi. Ce conseil dont les membres sont désignés par le monarque, est habilité à évaluer les propositions de loi sans avoir les prérogatives de les modifier ou de s’y opposer. Les conseils municipaux ont un mandat de quatre ans.
Le souverain de 87 ans qui semble vouloir accélérer les réformes spécialement en matière du droit des femmes a prôné dans son discours «une modernisation équilibrée, en conformité avec nos valeurs islamiques qui défendent les droits, est une demande importante dans ce siècle où il n’y a plus de place aux récalcitrants», il ajoute encore : « nous refusons la marginalisation du rôle de la femme dans la société saoudienne dans tous les domaines». En insistant toutefois sur le respect impératif du libass chaârii, le voile intégral, vêtement de rigueur que portent les Saoudiennes.
Des décisions audacieuses fondues dans un discours nuancé. Le souverain se voit obligé de composer avec l’establishment religieux et les islamistes extrémistes, farouches opposants à toute amélioration dans le statut des femmes.
Les défenseurs des droits de l’homme, dans une monarchie qui applique une interprétation rigoriste des préceptes de l’Islam, réclamaient depuis longtemps des mesures au bénéfice des femmes. Manal al Chérif, la célèbre militante saoudienne du droit des femmes, détenue 10 jours en mai pour avoir conduit sa voiture, a déclaré à l’AFP que «c’est une décision historique». «Pour la première fois, les femmes seront des partenaires dans les prises de décision», a-t-elle commenté à l’AFP avant de nuancer prudemment ses propos: «L’essentiel, c’est que ces décisions soient mises en œuvre».
Dans un contexte régional tourmenté où la volonté des peuples s’impose ici et là, l’Arabie Saoudite avec à sa tête un souverain considéré comme modéré semble vouloir lâcher du lest et s’adapter progressivement aux nouvelles donnes. Le souverain saoudien n’en est pas à sa première sortie, parmi ses précédentes réformes l’instauration de majliss choura, dont les membres sont nommés par le roi, mais qui préfigure une assemblée ou un parlement. Il a également encouragé le débat sur la mixité en commençant à la faire appliquer pudiquement à l’université king abdulaziz.
Ebranlés dans leurs certitudes par les révolutions arabes mais encore par les menaces grandissantes que présentent l’Iran, puissance chiite de la région, les dirigeants de la monarchie sunnite se cherchent des moyens nouveaux pour renforcer une légitimé usée avec le temps. A ce niveau, la question palestinienne tombe à point nommé pour leur octroyer une légitimité affaiblie. On va les voir de plus en plus présents sur ce dossier.
Soufia Limam