Algérie. Sidi Said joue au pyromane

 Algérie. Sidi Said joue au pyromane

Hier mercredi

Quelle mouche a donc piqué le secrétaire général de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Abdelmajid Sidi Said, pour troquer son costume de patron docile de la Centrale qui s’exécute à la moindre injonction venant d’en haut contre les fringues du syndicaliste frondeur qui n’hésite pas à aller au charbon ?

Hier mercredi, l’homme fort de l’UGTA en a étonné plus d’un en allant jusqu’à pousser les travailleurs à la rébellion contre le gouvernement qui, accuse-t-il, n’a pas respecté sa part du contrat en faisant dans « la provocation ».

« Je vous libère »

Devant les cadres de son syndicat (secrétaires nationaux, de fédérations et d’unions de wilayas)  réunis au complexe de Rouiba, un fleuron de l’industrie nationale, Sidi Said n’a pas mâché ses mots. « «La zone industrielle de Rouiba, avec toute l’histoire qu’elle traîne derrière elle, subit des attaques graves de la part de l’administration. Une trentaine de cadres syndicaux et de travailleurs ont été sanctionnés ou licenciés par leur employeur. J’ai tout fait pour calmer les esprits et éviter des situations de désordre. J’ai dit aux travailleurs que le moment n’est pas propice pour occuper la rue parce qu’ils seront les seuls à payer la facture. »

« Je sais qu’ils peuvent être patients. Mais jusqu’à quand ? Jusqu’à ce que la situation nous échappe ? Non. Aujourd’hui, je vous dis vous avez ma solidarité et celle de l’état-major de l’UGTA pour prendre toute mesure que vous jugerez utile pour l’intérêt des travailleurs», s’est-il écrié, rapporte le quotidien El Watan. A croire qu’on a affaire à un général qui harangue ses troupes pour aller au front.

« Ils doivent savoir que la stabilité sociale ne peut être garantie que si les deux parties, employeurs et employés, respectent leurs engagements. Je constate que, de l’autre côté, rien n’est fait. Personne ne veut assumer ses responsabilités. Alors, je dis aux travailleurs de la zone industrielle : je vous libère. Allez défendre vos droits comme vous le voulez, sans pour autant que ça soit dans le désordre », a-t-il ajouté.

En quête de dignité

Fou furieux, le patron de la centrale syndicale s’est violement attaqué à certains ministres qui, selon ses propos, se livrent à « des attaques administratives et politiques » contre son syndicat. Touché dans sa dignité de syndicaliste, Sidi Said n’a pas supporté le peu de considération que vouent certains responsables à son organisation.

«Ils nous disent que vous ne pesez rien et que les autres ont leur mot à dire parce qu’ils occupent la rue (…). Nous n’avons pas fui nos responsabilités syndicales et nous ne sommes pas des fonctionnaires. Nous pensons que le dialogue est le seul moyen qui permette de résoudre les problèmes», explique-t-il avant d’ajouter : « Je leur dis attention, ne touchez pas au pilier de la stabilité sociale. Ne jouez surtout pas avec le feu.».

S’il n’a ménagé ni le gouvernement ni le patronat, le secrétaire général a quand même pris des gants en précisant que son attaque en règle ne vise pas le président Bouteflika qui est à ses yeux « le garant de la stabilité et de l’Etat et de l’UGTA.».

Reste à connaître les dessous de cette sortie tonitruante d’un homme souvent qualifié de pompier. Veut-il seulement calmer sa base syndicale après les sanctions infligées à certains syndicalistes par l’administration ou s’agit-il d’une préparation de l’opinion publique à un revirement stratégique qui serait dicté par de nouveaux développements dans les cercles de décision ? Peut-être les deux à la fois.


Yacine Ouchikh