Algérie. Saison des grandes manœuvres chez les islamistes

 Algérie. Saison des grandes manœuvres chez les islamistes

Les dirigeants de l’ex-FIS ont rendu public hier mercredi un mémorandum pour dénoncer la nouvelle loi sur les partis politiques votée dernièrement par le Parlement algérien. DR.

La fièvre des prochaines législatives gagne d’ores et déjà les islamistes algériens qui, éperonnés par les victoires électorales de leurs « frères » dans les pays voisins, voient dans ces élections une belle opportunité pour s’emparer du Parlement avant de partir à la  conquête de la Présidence. Toutes les tendances sont en train de s’agiter et de prendre leurs marques.

Le parti du Mouvement pour la société de la paix (MSP) tranchera, aujourd’hui jeudi et demain vendredi, la question de sa présence au sein de l’Alliance présidentielle.

Depuis un bon moment déjà, son chef, Aboudjerra Soltani, accoutré de ses nouveaux habits d’opposant, ne rate aucune occasion pour jeter la pierre à ses partenaires au sein du gouvernement.

Invité hier mercredi à un forum organisé par le quotidien gouvernemental Echaab, l’ancien ministre d’Etat sans portefeuille a monté d’un cran son « oppositionnisme » en s’en prenant, insidieusement il est vrai, cette fois-ci au président Bouteflika.

«Certains de nos dirigeants raisonnent encore avec la mentalité remontant à la période de la guerre froide», dénonçait-il.

Critiquant la levée en 2008 du verrou constitutionnel qui limitait les mandats présidentiels à deux, le chef du MPS, oubliant que son parti et lui ont voté pour cette révision constitutionnelle et fait campagne en faveur du candidat Bouteflika, a asséné : « Au bout de dix années, aucun responsable à quelque niveau que ce soit ne peut plus rien donner ! Au bout de cette période, l’on est usé, laminé (…) ».

Pourquoi cette volte-face ? Explication de M. Soltani : « Si nous avons soutenu l’ouverture des mandats en 2008, c’était pour empêcher que les éradicateurs ne s’emparent du pouvoir ! Nous, nous n’avons pas oublié ce que ces gens-là nous disaient auparavant (avant 1999, ndlr) : qu’ils ne faisaient aucune distinction entre les islamistes modérés et extrémistes. Que les islamistes devaient être éradiqués. Nous n’avons toujours pas oublié que, par exemple, ces éradicateurs dominaient, y compris les campus universitaires. Nous n’avons toujours pas oublié une certaine pièce de théâtre intitulée Moh, prends ta valise (du grand écrivain Kateb Yacine, ndlr) ».

Cette soudaine audace du patron du MSP intrigue. S’est-il senti lâché par Bouteflika au profit d’un autre parti islamiste ? A-t-il décelé un changement dans la direction du vent, surtout que les dirigeants du MSP sont passés maîtres en matière d’opportunisme et d’entrisme politiques ?

En tout cas, le parti créé par le défunt Mahfoudh Nahnah semble faire feu de tout bois pour s’éviter une raclée lors des prochaines élections où il risque de laisser des plumes et de faire les frais de sa présence pendant 10 ans au sein gouvernement.

Surtout que les autres partis islamistes se préparent eux aussi pour ce rendez-vous. Et chacun d’entre eux essaye dès à présent de placer ses pions.

Des partis en ébullition

Le secrétaire général du mouvement Ennahda, Fateh Rebaï s’est dit, hier mercredi, lors d’une conférence de presse animée au siège du parti, ouvert à l’idée d’une Alliance entre les partis islamistes qui, de son point de vue, peut peser lourd sur l’issue des prochaines législatives.

« Nous respections le MSP et ses positions mais pour qu’on travaille ensemble, il doit changer sa position politique actuelle », conditionne-t-il non sans faire les yeux doux à la base de l’ex-FIS, histoire de couper l’herbe sous les pieds de l’ancien président d’Ennahda, Abdallah Djaballah qui la convoite lui aussi.

« Notre parti est ouvert à tous les enfants du peuple algérien animés de bonne volonté sans exclusive (…) tous les Algériens doivent jouir de leurs droits politiques », explique-t-il.

Abdallah Djaballah comme l’ancien dirigeant du MSP, Abdelmadjid Menasra, comptent eux aussi dire leur mot lors des prochaines élections.

Avant même l’obtention d’un agrément pour leurs partis, ces deux dirigeants islamistes mènent un travail de fourmi sur le terrain, loin des feux de la rampe. Et au vu du crédit dont ils jouissent auprès des militants de la mouvance islamiste, ils sont les mieux placés pour ramasser la mise.

Les dirigeants de l’ex-FIS ne sont pas en reste. Après avoir menacé d’ester l’Etat algérien qui continue de leur interdire toute activité politique auprès des juridictions internationales, les dirigeants de l’ex-FIS ont rendu public hier mercredi un mémorandum pour dénoncer la nouvelle loi sur les partis politiques votée dernièrement par le Parlement.

Pour eux, les dispositions de cette loi ne respectent pas la Constitution, les conventions internationales ratifiées par l’Algérie et la chariâa.

C’est dire que l’agitation est à son comble chez les islamistes algériens. Au regard des divisions qui les minent, mais aussi des ambitions des uns et des autres, il est fort à parier qu’ils se présenteront en rangs dispersés, au risque de passer à côté d’une victoire électorale espérée par les uns et redoutée par les autres.

Un scénario à la tunisienne ou à la marocaine est-il alors à écarter en Algérie ? Il ne faut jurer de rien.

Yacine Ouchikh