Algérie. Plaidoyer de Xavier Driencourt pour la réconciliation algéro-française

 Algérie. Plaidoyer de Xavier Driencourt pour la réconciliation algéro-française

L’ambassadeur de France en Algérie

Un temps mis sous le boisseau pour cause d’une « guerre des mémoires » déclenchée en 2005, le traité d’amitié entre l’Algérie et la France renaît de ses cendres. Invité lundi 5 février des rencontres « Milles et une news » du quotidien arabophone Algérie-News, l’ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, a émis le vœu de voir l’Algérie et la France signer cette année un traité d’amitié.

 

«Le traité d’exception n’a pas eu lieu pour des raisons que vous connaissez. Peut-être que ce sera pour 2012, ou 2013. Je crois que c’est une chose à laquelle il faut réfléchir. On a un traité d’amitié avec l’Allemagne, je ne peux que souhaiter le parallélisme avec l’Algérie», a affirmé Xavier Driencourt.

Si la France et son ex-colonie ont beaucoup de points en partage, leur passé douloureux pèse de tout son poids sur le présent. Une réalité que M. Driencourt n’ignore pas. Il a d’ailleurs parlé de « deux années compliquées », entre 2008 et 2010, où certains sujets « irritants » (débat sur la repentance de la France, la loi du 23 février 2005 glorifiant le colonialisme, le film « Hors la loi », l’affaire des moines de Tibhirrine,…) ont quelque peu affecté les relations algéro-françaises.

 

2012, une année importante

L’ambassadeur ne s’est pas privé aussi de faire part de ses appréhensions pour cette année 2012, cinquantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, qui verra la tenue d’élections en France comme en Algérie.

« L’année 2012 est une année importante pour l’Algérie, il y a les élections législatives, un temps fort pour un pays, mais aussi l’anniversaire de l’Indépendance. En France aussi, il y a l’élection présidentielle et le souvenir d’une page de son histoire. C’est un contexte qui peut être difficile et compliqué », a-t-il expliqué.

En effet, le contexte est très favorable aux surenchères nationalistes, mais M. Driencourt dit compter sur les hommes de bonne volonté, de part et d’autre, pour faire barrage au discours de la haine et permettre aux deux peuples d’emprunter la voie de la réconciliation.

« Il faut compter sur ces personnes, ces hommes de bonne volonté des deux côtés de la Méditerranée (…). Mais il y a aussi des deux côtés ceux qui ne veulent pas s’inscrire dans ce schéma (…) c’est un souvenir douloureux en France. 2012, c’est votre fête, mais on ne peut pas oublier du côté de la France une page de son histoire », a-t-il soutenu, non sans plaider pour la réconciliation entre les deux peuples.

« Au-delà du travail de mémoire et de reconnaissance, il faut surmonter le traumatisme des générations ayant vécu la période coloniale et la période d’indépendance pour transmettre aux jeunes générations la connaissance de cette histoire dans un esprit de réconciliation », a-t-il recommandé.

Côté français en tout cas, l’on est dans cette démarche d’apaisement, a souligné Xavier Driencourt en rappelant certains « gestes forts » de responsables français comme les déclarations du président Sarkozy sur le colonialisme à Constantine en 2007, celles de l’ex-ambassadeur Bajolet à Sétif et à Guelma en 2008, mais aussi sa visite à lui, en 2011, à la prison de Serkadji, un haut-lieu de la torture pendant la colonisation.

Mais sa conviction est que « la période compliquée » connue par les deux pays est désormais un mauvais souvenir. Depuis début 2011, « l’Algérie et la France sont passées à une vitesse supérieure », c’est-à-dire à une période « plus constructive » où le dialogue politique s’est « considérablement renforcé », s’est félicité M. Driencourt.

 

Un fervent défenseur du pouvoir de Bouteflika

Revisitant le printemps arabe, l’ambassadeur de France à Alger a indiqué que dès le départ, il n’avait pas cru à l’ « effet domino ».

« Il y a environ un an, j’ai été invité par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française. Un certain nombre de parlementaires voulaient me faire dire qu’après Benali, Bouteflika va tomber. Je me suis inscrit en faux contre cet amalgame. J’ai dit que chacun a ses spécificités dans ce Monde arabe. Un an après, je constate que finalement j’ai raison, », a-t-il rappelé.

Mais, de son point de vue, l’Algérie ne peut pas faire l’économie d’un changement qui est une demande réelle du peuple algérien. « L’Algérie a ses spécificités, mais elle ne doit pas s’exonérer de toute évolution », a-t-il soutenu avant de poursuivre : « Il y a bien une demande de changement dans le pays à laquelle les autorités algériennes ont répondu avec les réformes d’un certain nombre de textes législatifs ».

Que pense-t-il de la lenteur du processus de réformes engagé par le président Bouteflika ? Le gouvernement algérien « suit un processus de réformes à son propre rythme », a estimé M. Driencourt avant d’ajouter : « Ce ne sont pas forcément les mêmes réformes qu’en Egypte et en Tunisie. Chacun a son propre agenda. En tout cas, personne, en ce début de l’année 2012, ne peut souhaiter à l’Algérie un scénario égyptien, libyen ou syrien ». Le pouvoir de Bouteflika ne trouvera pas meilleur avocat pour prêcher sa cause.

Yacine Ouchikh