Algérie. Ouyahia avoue l’échec de son gouvernement

 Algérie. Ouyahia avoue l’échec de son gouvernement

Le Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia a reconnu publiquement l’échec de son gouvernement. Photo Farouk Batiche / AFP.


Le Premier ministre Ahmed Ouyahia semble avoir fait le deuil de sa reconduction à la tête de l’Exécutif. La liberté de ton dont il a usé lors de sa dernière conférence de presse, samedi 2 juin, au lendemain de la tenue d’une réunion très houleuse du conseil national de son parti, Rassemblement national démocratique (RND), en est un signe.




 


L’enfer, c’est… le gouvernement


Ahmed Ouyahia qui, par le passé, défendait contre vents et marées son action à la tête de l’Exécutif, a agréablement surpris son monde en reconnaissant ouvertement et publiquement l’échec de son gouvernement.  Mais il ne veut pas assumer seul les pots cassés.


« Cet échec est collectif », a-t-il asséné avant d’enchaîner : « La responsabilité est également collective ». «Je ne suis pas le seul responsable. Si vous pensez que par le fait de changer de gouvernement, la situation sera mieux, je voterais avec dix doigts pour ce changement », ajoute-t-il encore.


Ainsi, si Ahmed Ouyahia a donné l’air de s’être fait à l’idée de ne pas driver la prochaine équipe gouvernementale, il ne veut pas partir sans régler ses comptes. En assurant que l’échec est collectif, M. Ouyahia pointe du doigt la responsabilité du président Bouteflika dans la déroute.


C’est de notoriété publique, les deux hommes ne s’apprécient guère. Et Ouyahia n’entend pas recevoir indéfiniment des coups sans réagir et assumer seul la paternité d’un bilan économique des plus catastrophiques. Il crie à qui veut l’entendre qu’il ne tient pas rester indéfiniment en place. « Croyez-moi, le gouvernement n’est pas un paradis », lâche-t-il.


 


Ex « serviteur de l’Etat » ?


Mieux, il minimise sa responsabilité dans la dégradation de la situation du pays en tirant sur le lobby des conteneurs et de l’argent sale qui ne le laisse pas travailler. A écouter Ouyahia, sa présence au gouvernement dérange beaucoup de monde, à l’intérieur comme à l’extérieur du système.


«Je dérange des parties dans le système et en dehors du système, car je ne suis pas l’homme du compromis», lâche-t-il. «Je dérange parce que dans ma gestion et ma participation aux affaires publiques, j’ai refusé d’être un homme de compromis et d’image», insiste-t-il.  Etrange de la part d’un homme qui aimait se définir comme « un serviteur de l’Etat » !


Quelle mouche a donc piqué le très discipliné Ahmed Ouyahia pour prendre ainsi des libertés avec sa réserve habituelle ? A-t-il fait le deuil, non pas de sa nomination à la tête du prochain gouvernement, mais de son destin présidentiel ? Pas si sûr.  « C’est la rencontre d’un homme avec son destin », répond-il à une question sur sa candidature à la présidentielle de 2014.


Et s’il a osé une attaque aussi frontale contre le chef de l’Etat, c’est qu’il a eu des garanties qu’il ne courait aucun risque. Tout porte à croire qu’Ahmed Ouyahia a renoncé au strapontin de Premier ministre pour partir à la conquête du trône. Le vrai.


Yacine Ouchikh