Algérie. On agresse bien les journalistes
La famille de la presse n’a pas fini de manger son pain noir. En l’espace de deux jours, dimanche et lundi, deux professionnels des médias, Hanane Driss, jeune journaliste du quotidien francophone La Tribune des lecteurs, et Mohamed Kadri, photographe du quotidien arabophone Waqt el Djazair, ont été violemment agressés par des agents de police lors de deux rassemblements observés à Alger par les anciens de l’Armée. (Photo AFP)
Scandalisé par « ces graves dérapages », le Syndicat national des journalistes algériens (SNJ) a exigé, dans un communiqué, des « sanctions exemplaires » à l’encontre des agresseurs. « Un policier voyou a fait montre, lundi 19 mars 2012, d’un inqualifiable comportement : dans un excès de zèle pathologique, il fait étalage de sa supériorité physique de mâle pour s’en prendre à une malheureuse consœur, qu’il a rouée de coups alors qu’elle assurait la couverture d’une manifestation publique », a dénoncé le SNJ avant de poursuivre : « Ce comportement innommable est autant injustifiable que condamnable ».
Inquiet de « l’aspect répétitif de ces graves dérapages », le SNJ a exigé des hautes autorités du pays « des sanctions exemplaires à l’encontre de ces tristes individus indignes de l’uniforme qu’ils portent », mais aussi « des mesures immédiates et effectives pour que plus jamais ne soit attenté à l’intégrité morale et physique de nos confrères dans l’exercice de leur métier ». Et le SNJ d’avertir que cette affaire sera portée devant les tribunaux.
Indignation unanime
La direction du journal La Tribune des lecteurs a elle aussi dénoncé l’agression dont a été victime sa journaliste. « La gravité de cette agression, aisément perceptible au regard des photos que nous joignons à ce communiqué, est d’autant plus inacceptable que le policier en question, mais aussi l’ensemble de ses collègues ne se sont même pas excusés pour leur acte, se contentant juste de dire à notre collègue et amie, déjà en état de choc, que ce qu’elle subissait n’était rien par rapport à ce que vivent les Palestiniens de Ghaza », s’est-elle indignée.
Et le journal d’affirmer : «Nous sommes en droit, dès lors, de nous demander s’il ne s’agit pas d’une entreprise concertée, visant à empêcher les journalistes d’accomplir correctement leur tâche, en informant l’opinion de ce qui se passe réellement sur le terrain». Le journal a fait savoir également qu’une plainte sera déposée et qu’il se portera partie civile.
La Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH), dont le président du bureau d’Alger a été interpellé, a joint sa voix à ce concert d’indignation. « La LADDH dénonce cette violence policière qui vise une nouvelle fois les journalistes et pour la énième fois des militants des droits de l’Homme », s’est-elle élevée.
Tout en rendant les pouvoirs publics responsables de ces atteintes aux droits de l’homme, la LADDH a tenu à témoin l’opinion publique nationale et internationale sur « le fonctionnement brutal de l’appareil sécuritaire ».
La direction nationale de la sûreté nationale (DGSN) a assuré, dans un communiqué rendu public hier mercredi, que les policiers auteurs de ces agressions ont fait l’objet de sanctions. La DGSN a affirmé que dès la parution de l’information, « une enquête approfondie » a été diligentée pour « mettre toute la lumière sur les faits rapportés ».
« Ainsi, les témoignages des susnommés (Mohamed Kadri et Hanane Driss, ndlr), reçus respectivement les 20 et 21 mars 2012 à la direction générale de la Sûreté nationale ont permis au service enquêteur d’identifier les agents de police auteurs de cet acte répréhensible ; lesquels ont été sanctionnés malgré le refus des victimes de déposer officiellement des plaintes. La direction générale de la Sûreté nationale, qui demeure soucieuse de veiller sur la sécurité des personnes, réitère sa détermination à lutter contre toutes les formes de dépassement », a écrit la DGSN dans son communiqué.
Yacine Ouchikh