Algérie : les salafistes repartent en guerre contre l’alcool
Les islamistes reviennent cette semaine ! Redoutables opportunistes politiques, les salafistes algériens se sont saisis de quelques incidents déclenchés ces derniers temps autour de débits de boissons alcoolisées à Alger pour se remettre en selle et dégainer l’arme de l’inquisition.
Deux figures de proue de ce courant islamiste, le fameux Hachemi Sahnouni et son acolyte Abdelfatah Zeraoui Hamadache, n’ont rien trouvé de mieux que de pondre une énième fatwa appelant les jeunes Algérois des quartiers populaires à mener une croisade contre les bars et les magasins de vente de boissons alcoolisées. « Nous soutenons et encourageons les comités de quartiers à initier davantage de pétitions et de plate-forme de revendications pour être adressées aux autorités concernées dans le but d’exiger la fermeture définitive des magasins de boissons alcoolisées, considérées comme illicites dans la religion de notre Prophète », écrivent-ils dans leur appel rendu public mardi dernier. Moralisateurs à souhait, les deux dirigeants de l’ex-FIS justifient leur levée de boucliers qui est un appel à la fitna qui ne dit pas son nom, par les conséquences de la consommation de l’alcool sur la santé et la moralité de la jeunesse algérienne. « Ils (vendeurs d’alcools) ont corrompu notre jeunesse, détruit ses principes et ses valeurs islamiques », vitupèrent les deux gourous se présentant comme les pères d’une initiative qu’ils ont pompeusement baptisé « les enfants de l’éveil des mosquées d’Algérie ». Pour conférer du crédit à leur initiative, nos chevaliers de la morale se sont recouverts de l’habit de défenseurs de la santé et de l’ordre publics. « Le nombre de crimes ne cesse d’augmenter, les bagarres sont de plus nombreuses entre consommateurs d’alcools et habitants honnêtes des quartiers (…) En hausse, le nombre des personnes atteintes de diabète trouve son origine dans la prolifération des magasins de vente de vins et liqueurs », assènent-ils.
Ces défenseurs d’un ordre moral révolu, feintent d’oublier que les sources de la violence en Algérie sont multiples : le chômage, le mal-vivre, la corruption, l’injustice,… mais aussi leur idéologie rétrograde y sont pour beaucoup. D’aucuns n’hésitent pas à attribuer la responsabilité morale des 200 000 morts commis par les desperados islamistes à ce même Hachemi Sahnouni qui était le prêcheur de l’ex-FIS.
Question: ce brusque réveil des tenants du salafisme est-il provoqué par les seuls incidents de ces dernières semaines entre citoyens de certains habitants de quartiers d’Alger (Belcourt et El Djamila, ex-la madrague) et propriétaires de bars? Non. Et certains sont allés jusqu’à faire un lien entre la sortie des deux prédicateurs islamistes et la dernière sortie publique du premier ministre Ahmed Ouyahia qui, pourtant, traine la réputation d’un anti-islamiste pur et dur. En effet, le 30 septembre dernier, Ouyahia s’est exclamé : « Combien de postes d’emploi peut-on créer dans un bar ? Un, deux, mais combien de cirrhoses, de bagarres on peut trouver dans un bar ? ».
Il n’est pas exclu que les islamistes de tous poils ont vu dans cette digression du premier ministre un encouragement à engager cette bataille d’arrière-garde. Il faut dire que depuis 2006, avec l’accès de religiosité dont est saisi le président Bouteflika au sortir de sa grave maladie, l’Algérie connaît une vague de maccarthisme à rebours qui s’est soldée par la fermeture de plus de 2 000 bars et autres débits de boissons alcoolisés mais aussi de plusieurs églises. Au grand bonheur des conservateurs de tout acabit et au grand dam de l’ordre républicain.
Autre question : n’y-a-t-il pas manipulation dans l’air? N’a-t-on pas allumé le contre-feu islamiste pour détourner l’attention et surtout desserrer l’étau sur un pouvoir menacé de toutes parts ? Fort probable.