Algérie. Les messages codés de la visite éclair de Hillary Clinton

 Algérie. Les messages codés de la visite éclair de Hillary Clinton

En choisissant Bouteflika comme seul interlocuteur


Casée entre deux visites de près de deux jours, l’une à Tunis et l’autre à Rabat, l’escale algéroise de la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, samedi 25 février, portait beaucoup de messages.

 


Première visite d’un secrétaire d’Etat américain depuis 2008, Mme Clinton n’a pas jugé utile de consacrer au premier partenaire économique des USA dans la région plus de 4 heures de son temps.


Le message est clair : aux yeux des Américains, l’Algérie est acteur de moindre importance que la Tunisie ou le Maroc car, pour eux, le poids d’un pays ne se mesure pas à l’aune de ses richesses naturelles ou de la grandeur de son territoire mais de sa crédibilité et de la légitimité de ses dirigeants.


 


Bouteflika en ligne de mire


Ensuite, elle ne s’est entretenue qu’avec le Président Bouteflika, ignorant totalement son homologue algérien Mourad Medelci qui s’est contenté de la recevoir à l’aéroport international d’Alger.


Pourtant, c’est à l’invitation de ce dernier que Mme Clinton est venue à Alger. A coup sûr, Mme Clinton a préféré s’adresser directement au président Bouteflika  parce qu’il est le véritable patron de la politique étrangère du pays.


En le choisissant comme seul interlocuteur, les Américains veulent peut-être aussi lui insinuer qu’il est le seul responsable des conséquences qui découleront des orientations politiques, internes et externes, prises par l’Algérie.


Et le fait que la secrétaire d’Etat américain ait rencontré en premier lieu des acteurs de la société civile et des journalistes, a valeur de désaveu pour le gouvernement algérien qui concocté une loi sur les associations liberticide interdisant aux acteurs sociaux de prendre le moindre contact avec les ONG étrangères.  


Lors de cette rencontre, Mme Clinton a délibérément porté au pinacle des segments sociaux que le pouvoir algérien a souvent tenus à l’écart. « Nous sommes au 21ème siècle et je conçois la société comme un tabouret à trois pieds ou trois piliers », a-t-elle expliqué.


Et de poursuivre : « L’un (des piliers) doit être un gouvernement responsable, efficace qui rend des comptes à son peuple. Un autre doit être le secteur privé vibrant, dynamique, ouvert sur le monde pour créer des emplois et des opportunités économiques pour son peuple, et le troisième est la société civile, des gens comme vous qui œuvrent pour améliorer les vies de vos compatriotes ».


 


« Souveraineté aux peuples du Maghreb »


Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, Mme Clinton a exprimé son vœu de voir les peuples maghrébins s’approprier leur destin. « Je viens de Tunisie et demain je serai au Maroc, mon message est le même : les peuples du Maghreb (…) ont besoin et méritent de pouvoir décider pour eux-mêmes », a-t-elle indiqué.


« Pour les 50 prochaines années, l’Algérie a besoin d’assumer sa juste place en tant que nation parmi les nations où la prospérité, la paix et la sécurité existent pour la population », a-t-elle ajouté. En clair, Mme Clinton reproche aux dirigeants algériens d’avoir fait fi de la volonté populaire et de n’avoir pas su jusqu’ici donner à l’Algérie la place qu’elle mérite.


Que pense-t-elle des réformes politiques lancées par Bouteflika et des élections législatives du 10 mai ? Pas un mot. C’est à peine si la secrétaire d’Etat américaine a proposé du bout des lèvres une assistance technique. « Si on nous le demande, nous entrerons en contact avec des groupes d’experts pour qu’ils travaillent avec les autorités en Algérie pour appuyer les élections », a-t-elle affirmé.


Au Maroc, en revanche, Mme Clinton n’a pas tari d’éloges sur les réformes engagées par le Roi Mohammed VI. Sans détours, elle a soutenu, dans une conférence conjointe avec son homologue marocain El Othmani, que le Maroc a fait « d’importants progrès sur la voie de la démocratie »  et peut être « un très bon modèle pour d’autres pays ».  Clair comme de l’eau de roche : l’Algérie doit suivre l’exemple des voisins.


                                                                                                                        Yacine Ouchikh