Algérie – Le RCD dénonce le chantage à l’islamisme après la victoire d’Ennahda en Tunisie

 Algérie – Le RCD dénonce le chantage à l’islamisme après la victoire d’Ennahda en Tunisie

« Si laborieuses que soient les mutations à venir

Passé pour être le parti algérien le plus anti-islamiste, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) a salué la réussite des premières élections libres organisées en Tunisie, en dépit de la victoire du mouvement de Rached Ghanouchi.

« La Tunisie vient de connaître son premier scrutin libre depuis son indépendance avec un taux de participation record. La communauté internationale qui a pu superviser en toute liberté cette élection s’accorde à dire que, mis à part quelques incidents mineurs, le vote a été régulier. Le RCD salue cette avancée démocratique dans son organisation et son expression et souhaite au peuple frère de Tunisie une évolution qui le conforte dans la voie de la paix, de la justice, de la liberté et du progrès », a déclaré le RCD dans un communiqué daté du 28 octobre.

Une victoire précaire selon le RCD

Cette percée du courant islamiste dans le pays le plus moderne au Maghreb, le RCD la met sur le compte de l’ancien régime tunisien qui « a sévi depuis 1956 avec un despotisme sans limite », même s’il lui reconnait avoir « veillé à préserver le système éducatif et le statut personnel des marchandages politiciens ».

Un investissement qui, selon le parti de Saïd Sadi, est à l’origine « du civisme qui a fait qu’en dépit des fraudes précédentes, neuf citoyens sur dix se sont acquittés de leur devoir électoral » et a empêché un raz-de-marée du parti islamiste, lequel ne disposera que d’un tiers des sièges à l’Assemblée constituante.

Signe de la précarité de la victoire des islamistes ? Les assurances insistantes des responsables d’Ennahdha de ne pas remettre en cause le statut de la femme et les libertés publiques, estime le RCD, même s’il recommande de ne pas prendre pour argent comptant leurs promesses qui peuvent être reniées. « Mais il est capital qu’un mouvement intégriste sortant vainqueur des urnes se sente obligé de donner des gages de bonne conduite à une société qu’il sait rétive et vigilante », relève le RCD.

« Si laborieuses que soient les mutations à venir, les Tunisiens ont raison de se réjouir de l’élection du 23 Octobre. Néanmoins, ils savent qu’ils doivent être en alerte permanente pour protéger un pacte sociétal dont l’écrasante majorité des citoyens, au premier rang desquels les femmes tunisiennes, connait la valeur. Par ailleurs, la comparaison avec l’AKP à laquelle s’essaient quelques observateurs ne saurait rassurer la classe politique tunisienne instruite de ce qu’une constitution adossée depuis près d’un siècle à une laïcité assumée, n’empêche pas les islamistes turcs de pousser leurs pions à chaque fois que la conjoncture le permet », ajoute-t-il.

Un amalgame pas du tout pertinent

Mais le RCD refuse tout parallèle entre l’Algérie de 1991 et la Tunisie de 2011, puisque le Front islamique du salut (FIS), contrairement à Ennahdha de Ghannouchi, avait commencé à dicter ses oukases avant même la proclamation des résultats des législatives de 1991 et avait versé dans la violence bien avant la tenue de cette élection.

« L’amalgame dont joue le système pour assimiler la Tunisie post révolutionnaire à l’Algérie de 1991 n’est pas pertinent. En vérité, le régime algérien devrait être le seul acteur à se réjouir de la victoire d’Ennahdha dès lors qu’il a anticipé depuis longtemps tout ce qu’il feint de redouter pour la Tunisie et la Libye », explique le RCD non sans accuser les dirigeants algériens de s’adonner au « chantage à l’islamisme ».

Un « chantage » qu’il a qualifié d’« obscène »avant d’ajouter : « C’est avec un cynisme non dissimilé que les relais du système se sont saisis de la victoire du parti islamiste Ennahdha pour essayer de relancer la rengaine dictatoriale qui veut que seul l’autoritarisme permet d’assurer la stabilité d’un pays ou d’une région », assène-t-il encore.

Alger félicite Tunis

Au lendemain de la sortie du RCD, les autorités algériennes ont, elles aussi, salué la réussite des élections tunisiennes. « Nous adressons nos félicitations les plus chaleureuses au peuple tunisien frère pour le bon déroulement des élections du 23 octobre », a déclaré, lundi 31 octobre, le porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères, Amar Belani, à l’agence officielle APS.

Le « vœu ardent » de Amar Belani est que « les résultats de ces élections puissent ouvrir la voie d’une transition consensuelle pour l’édification d’un ordre constitutionnel démocratique », à même « de consolider la stabilité, le développement économique et le progrès social d’un pays frère avec lequel l’Algérie ne cessera d’œuvrer pour raffermir les relations de fraternité et de coopération et pour concrétiser notre aspiration commune à l’édification du grand Maghreb arabe ».

Yacine Ouchikh