Algérie. Le parti islamiste MSP se retire de l’Alliance présidentielle
La menace brandie il y a quelques semaines par Aboudjerra Soltani de se retirer de l’Alliance présidentielle n’était finalement pas une parole en l’air. Au bout d’une réunion de 3 jours de son Conseil consultatif (Madjliss Echourra), le parti islamiste a officialisé, ce dimanche, son divorce avec ses partenaires du FLN et du RND.
« Le Conseil consultatif a décidé de se séparer avec les deux autres partis de l’alliance : le Front de Libération Nationale (FLN) et le Rassemblement National Démocratique (RND), et appelle à la constitution d’un gouvernement technocrate pour gérer la période électorale », annonce le parti islamiste dans un communiqué.
Il faut sans doute souligner que le discours tenu par le président du parti, Aboudjerra Soltani, à l’ouverture vendredi de cette importante réunion, préfigurait déjà un tel scénario.
Sans ambages, il a servi encore une fois sa fameuse phrase : « l’année 2012 sera celle de la compétition et non pas celle de l’Alliance ». Pour lui, continuer à composer avec l’Alliance « à l’horizontale », ce n’est rien d’autre que « persister dans la médiocrité politique ». Une position qui, aux yeux de M. Soltani, « ne sert ni le pays, ni le citoyen ».
Pour appuyer son argumentaire, Aboudjerra Soltani s’est focalisé sur le contenu des réformes lancées par Bouteflika qui ne sont pas à la hauteur de ses attentes. Pour lui, les lois adoptées dans le cadre des réformes « ont été vidées de leur substance ».
Une décision en demi-teinte
Mais s’il a mis à exécution la menace de retrait de l’Alliance, le parti islamiste n’a pas su ou pu aller au bout de sa logique. Car si le MSP appelle à la constitution d’un gouvernement neutre pour gérer les prochaines élections législatives, il n’est pas allé jusqu’à retirer ses ministres de l’équipe gouvernementale drivée par Ahmed Ouyahia au motif que le parti soutient toujours le programme du président de la République.
Pourquoi cette décision en demi-teinte que le parti islamiste aura du mal à vendre politiquement ? A-t-il peur de perdre certains privilèges, matériels et autres, qu’il tire de sa présence au sein du gouvernement ? Possible. Mais il y a une autre raison : deux ministres au moins, Amar Ghoul (Travaux publics) et Mustapha Benbada (Commerce) s’étaient opposés au retrait du gouvernement et avaient même séché la réunion du Majliss Echoura.
Pourtant, il y a 3 jours, le président du MSP a annoncé triomphalement que les lettres de démission de ses quatre ministres sont dans son bureau. Pourquoi alors cette volte-face ?
Selon certaines indiscrétions, l’annonce d’Aboudjerra Soltani a mis les ministres du parti dans une position intenable face à leurs collègues du gouvernement.
C’est cette imprudence de leur chef qui les aurait poussés à ruer dans les brancards. En tout état de cause, les ministres frondeurs semblent avoir fait pencher la balance en faveur du maintien de la présence du parti au sein du gouvernement.
Un retrait qui ne surprend personne
Réagissant à la défection de son partenaire islamiste au sein de l’Alliance, le FLN l’a qualifiée de « no-événement » puisque, explique son porte-parole à l’agence officielle APS, cette décision était « attendue et ne mérite pas de commentaire ».
Pour sa part, le porte-parole du RND, Miloud Chorfi, a exprimé son regret suite à la décision du MSP de se retirer de l’Alliance, qu’il a toutefois qualifiée de « souveraine ». « C’est une décision que nous respectons », soutient-il.
Reste à savoir si ce retrait de l’Alliance est motivé par le seul souci des dirigeants de la succursale algérienne du mouvement des frères musulmans de se refaire une virginité à une encablure des prochaines législatives, après s’être permis un concubinage politique de plus de 10 ans.
D’aucuns expliquent ce divorce bruyant du MSP avec ses deux partenaires de l’Alliance par son lâchage par les maîtres du jeu politique algérien qui auraient décidé de miser sur d’autres chevaux. Et ce ne sont pas les prétendants qui manquent.
Rappelons que le MSP gère 4 portefeuilles ministériels (Travaux publics, Commerce, Pêche et Tourisme) au sein du gouvernement Ouyahia et compte 51 députés sur 389 au sein de l’Assemblée nationale (APN).
Yacine Ouchikh