Algérie. Le MSP enivré par le triomphe des islamistes au Maghreb
Les islamistes BCBG du Mouvement pour la société de la paix (MSP) bombent le torse et exhibent leurs biceps. Plus que jamais ragaillardis par les victoires électorales de leurs congénères maghrébins, le parti d’Aboudjerra Soltani brandit la menace d’un retrait de l’Alliance présidentielle à quelques mois seulement des prochaines élections législatives.
« Il semble que 2012 est une année de concurrence et non une année d’alliance », confie Aboudjerra Soltani aujourd’hui depuis Doha au journal arabophone El Khabar.
L’Allusion est on ne peut plus claire : le MSP pourrait bien lâcher ses partenaires de l’Alliance présidentielle – un attelage politique mis en place avec le FLN d’Abdelaziz Belkhadem et le RND d’Ahmed Ouyahia il y a une dizaine d’années, pour porter le programme du président Bouteflika – et faire cavalier seul.
« Une réunion du conseil consultatif sera tenue à la fin du mois et sera consacrée à la question du retrait de l’Alliance », précise-t-il. L’été dernier, la même instance a décidé de prolonger la présence du MSP au sein de l’Alliance.
« Après une difficile concertation entre les membres du conseil consultatif, il a été décidé de retarder la décision de se retirer ou de rester jusqu’à ce que se développe la vision sur la scène politique, économique et sociale de l’Algérie », explique le président du MSP.
Des ailes… et des dents
Sans aucun doute, il s’agit-il là d’un revirement tactique imposé par les nouveaux développements politiques connus par la région. Aboudjerra Soltani, lui, s’inquiète comme d’une guigne de l’interprétation qui pourrait être faite de sa virevolte.
« Appelez cela comme vous voulez, un changement tactique ou stratégique, moi, je dis que notre alliance avec M. Bouteflika était écrite, avec un programme écrit et des objectifs visant à aider à l’application du programme du président de la République».
Par cette déclaration, le MSP affirme qu’il ne se sent lié par aucun engagement avec les autres partis de l’Alliance. Et avec une conjoncture aussi favorable, il s’est senti pousser des ailes. Des dents, aussi.
Le MSP estime qu’il est le parti islamiste algérien le plus proche d’Ennahdha, du PJD marocain et des frères musulmans égyptiens. Pour preuve, Aboudjerra Soltani a été le seul à se rendre en Tunisie pour féliciter Rached Ghannouchi pour sa victoire aux élections du 23 octobre dernier et celui-ci, lors de sa dernière visite en Algérie, n’a rencontré qu’un seul dirigeant islamiste : le patron du MSP.
Une voie bien pavée
Outre cette proximité avec les vainqueurs des trois élections organisées dans la région au lendemain du printemps arabe, les ouailles du défunt Mahfoudh Nahnah peuvent aussi jouer la carte de l’expérience dans la gestion des affaires publiques, eux qui étaient au gouvernement depuis plus d’une décennie.
Aujourd’hui donc, ils doivent se dire que le fruit est plus que jamais mûr, c’est-à-dire qu’ils sont tout à fait capables non seulement de jouer en solo mais aussi de s’offrir les clés de la République. La voie leur a été en tout cas pavée par le président Bouteflika.
En 12 ans de règne, ce dernier a tout fait pour réhabiliter et revigorer le courant islamiste qui, à cause de l’aventure meurtrière dans laquelle s’étaient fourvoyés les militants de l’ex-FIS, était, à la fin des années 90, au plus mal.
Reste à savoir si les Algériens vont accorder leurs suffrages à un parti qui a fait de l’hypocrisie politique presqu’une doctrine.
Yacine Ouchikh