Algérie. Le MSP bascule dans l’opposition

 Algérie. Le MSP bascule dans l’opposition

Le MSP (ici son leader Aboudjerra Soltani) ne participera pas au prochain gouvernement. Photo Farouk Batiche / AFP.


Première grande secousse des législatives du 10 mai : au gouvernement depuis 16 ans, les islamistes du Mouvement pour la société de la paix (MSP), déçus par leur score très en deçà de leurs espérances, ont décidé de ne pas participer au prochain gouvernement.




 


La décision a été prise samedi lors d’une réunion marathon du conseil consultatif de ce parti avec 134 voix pour contre 35 voix qui sont favorables à la participation et 11 abstentions. La présence des quatre ministres de cette formation n’a semble-t-il pas pesé lourd dans le choix des 247 membres de cette instance du parti. Cette décision est un revers sérieux pour l’aile participationniste, avec à sa tête Amar Ghoul, ministre des Travaux publics.


Outrés par la fraude qui aurait pénalisé en premier lieu l’Alliance de l’Algérie verte mais aussi par l’alignement du président de Bouteflika en faveur du FLN lors de la campagne, les membres du conseil consultatif ont donc décidé de faire sauter à leur parti l’autre pas puisque, début janvier 2012, ils ont quitté l’Alliance présidentielle.


 


Un forcing en vain


Le plus grand perdant de cette nouvelle position du MSP est Amar Ghoul, qui aurait fait un grand forcing, mais sans succès, pour imposer à ses pairs le choix de rester au gouvernement. C’est que l’homme est très lié au clan Bouteflika et a des démêlés avec la justice dans l’affaire de l’autoroute est-ouest.


Si le président lui propose un poste ministériel dans le nouveau gouvernement, fera-t-il preuve de discipline partisane au risque de mécontenter le président à qui il doit tout ? Selon El Khabar, Amar Ghoul aurait confié à des proches qu’il respectera la position de son parti mais cela risque d’avoir de lourdes conséquences pour tout le monde.


« On n’est pas éduqué à avoir peur mais à assumer nos responsabilités », a soutenu Abderrahmane Saïdi, président du conseil consultatif, dans un entretien accordé à Echourouk. « La décision de ne pas prendre part au prochain gouvernement n’est pas une position d’hostilité ou une vengeance », explique-t-il encore.


 


« Rétablir les rapports de force »


Le plus grand gagnant de ce repositionnement au sein du MSP est incontestablement Abderrazak Mokri, membre influent du parti et chef de file des opposants à la participation au gouvernement. Il vient de remporter une bataille importante contre l’aile participationniste menée par Amar Ghoul.


« Nous avons intégré les précédents gouvernements pour servir notre patrie. L’Algérie était en danger. Par la suite, nous avons pensé à aller vers de véritables réformes politiques. La fraude électorale nous a donné le signal final : il n’y a pas de réformes », a-t-il expliqué au journal électronique TSA.


« Et puis, il n’y a plus de causes qui apaisent notre conscience pour qu’on soit avec ce pouvoir. Il n’y a plus de crise. Le danger, ce n’est plus l’instabilité ou le terrorisme mais l’absence de démocratie. Ainsi, notre rôle, actuellement, est de rétablir les rapports de force et les équilibres entre la société et les autorités publiques pour l’intérêt de l’État et de la société », a-t-il ajouté.


Question : le parti islamiste a-t-il définitivement tourné le dos à la politique de l’entrisme inaugurée par son fondateur, le défunt Mahfoudh Nahnah ? Peu évident.


Yacine Ouchikh