Algérie. Le grand désenchantement des islamistes

 Algérie. Le grand désenchantement des islamistes

Selon Abdallah Djaballah


C’est la grande désillusion chez les partis islamistes, ces grands perdants des législatives du 10 mai 2012. Jamais depuis l’ouverture démocratique au lendemain des événements d’octobre 1998, ce courant n’a subi une bérézina comme celle enregistrée lors du scrutin de jeudi dernier.




 


A peine une soixantaine de députés pour toutes les formations islamistes confondues ! Le désenchantement est d’autant plus grand que, quelques semaines auparavant, les leaders de ce courant clamaient sur tous les toits leur victoire inéluctable et anticipaient sur les alliances à tisser au sein du futur gouvernement.


Aussi, au lendemain de l’annonce des résultats, les dirigeants islamistes se sont répandus en déclarations très virulentes qui renseignent sur la profondeur de leur déception. Le premier à donner la salve est le tonitruant Abderrezak Mokri, un responsable influent du Mouvement pour la société de la paix, qui, vendredi 11 mai, n’a pas hésité à faire porter le chapeau de « cette grande manipulation » au président Bouteflika. « Et si cette fraude est reconnue officiellement, nous allons prendre les mesures nécessaires et nous imputerons toute la responsabilité au président de  la République », a-t-il asséné.


Le lendemain, l’Alliance de l’Algérie verte dont fait partie le MSP et qui n’a obtenu que 48 sièges, a quelque peu recadré le discours de M. Mokri, mais ne conteste pas moins les résultats annoncés par le ministre de l’Intérieur. « Le Printemps algérien par les urnes a été reporté », constate amèrement cette Alliance en insinuant que les Algériens pourraient bien être tentés par la violence face au refus d’un changement pacifique.


 


« Le choix tunisien »


Même constat impuissant et même insinuation de la part du leader du Front du changement, Abdelmadjid Menasra, un dissident du MSP : « L’Algérie a raté  l’occasion d’un changement pacifique », a-t-il déploré.


Si le premier responsable du Front de l’Algérie nouvelle (FAN) Djamel Benabdeslam, ancien président d’El Islah, assure ne pas reconnaître la prochaine Assemblée, le chef du PDJ, Mohamed Saïd, ancien bras droit de Taleb Ibrahimi, est allé jusqu’à envisager la dissolution pure et simple de son parti.


Mais la déclaration la plus importante est à mettre à l’actif d’Abdallah Djaballah, président du Parti pour la justice et le développement. Vexé par le score médiocre (7 sièges) dont il est accrédité, Abdallah Djaballah a menacé d’une révolution à la tunisienne : « Ils ont fermé la porte du changement par les urnes et il ne reste à ceux qui croient au changement que le choix tunisien », a-t-il confié à l’agence française AFP. Pour lui, le scrutin du 10 mai a « créé une situation d’insécurité et d’instabilité ». Hors de lui, il a qualifié ces élections de « mascarade » qui constitue, à ses yeux, une « agression contre la volonté du peuple ».


Aujourd’hui, les tractations vont bon train entre les différents leaders islamistes pour un possible retrait de la nouvelle Assemblée. Iront-ils jusqu’à une telle extrémité ? Cela reste peu probable.


Yacine Ouchikh