Algérie – Le coup de griffe de Zohra Drif

 Algérie – Le coup de griffe de Zohra Drif

Selon Zohra Drif

Réputée pour son franc-parler, vice-présidente de la chambre haute et moudjahida, Zohra Drif-Bitat est montée sur ses grands chevaux, mercredi lors de la séance plénière du Conseil de la Nation consacrée à l’examen du  projet de loi portant sur la promotion de la femme, en accusant les députés d’avoir dévoyé les réformes de Bouteflika.

Pour Zohra Drif, les amendements apportés au texte initial par le gouvernement ont rendu le projet de loi méconnaissable en le vidant de sa substance.

« Le texte envoyé au sénat est un texte déstructuré et amputé de l’esprit des réformes politiques », s’est-elle indignée. Très critique, Mme Drif trouve le texte lifté par les députés « contraire aux engagements du Président » et constitue, à ses yeux, « une  violation aux  dispositions de la Constitution ».

Pour l’héroïne de la bataille d’Alger, le quota de 33% de sièges qui devraient revenir obligatoirement aux femmes est « le seuil minimum à adopter pour enclencher une dynamique à même de consacrer le principe de parité ».

Elle bat également en brèche l’argument fallacieux de l’absence de représentativité des femmes dans les régions du Sud, avancé par certains députés pour expliquer cette reculade sur une disposition de loi que beaucoup considèrent comme une avancée considérable.

« C’est  faux, les femmes instruites sont en force dans les différentes régions du pays », s’écriait-elle non sans brandir quelques chiffres (45 % des magistrats sont des femmes, le  taux de réussite des filles à l’examen du baccalauréat qui était de 65 %  en 2010, contre 35 %  pour  les garçons) pour appuyer son argumentaire.

L’appel à Bouteflika

Ne se contentant pas de dénoncer cette dérive « misogyne », la sénatrice s’en est remise au président Bouteflika pour rectifier le tir. Elle l’a invité à user de ses prérogatives constitutionnelles pour ordonner « une deuxième lecture de ce projet de loi ».

« Au nom des femmes qui ont sacrifié leur vie pour ce pays, je demande au président de la République d’exploiter ses prérogatives constitutionnelles pour exiger une deuxième lecture du projet de loi injuste et qui contredit ses engagements », clamait-elle dans son intervention.

Son appel sera-t-il entendu par le premier magistrat du Pays ?

En tout cas, les membres du conseil de la nation, eux, n’ont pas tenu compte des réserves exprimées par Zohra Drif en adoptant à une écrasante majorité jeudi le projet de loi.

Pour rappel, le projet de loi présenté le 6 septembre par le gouvernement impose aux partis politiques de réserver obligatoirement un quota minimum de 33% de postes aux femmes sur leurs listes électorales.

La mesure a fait l’objet d’un amendement de la part des députés qui, le 3 novembre, ont rabaissé le quota qui oscille entre 20 et 40% des postes, en fonction de la densité de population locale.

Mais la grande inconnue est la position de Bouteflika qui, jusqu’ici, s’est gardé de s’immiscer dans le débat. D’aucuns croient savoir que le président n’attend que la fin de la session parlementaire d’automne  pour user de la prérogative constitutionnelle qui lui permet de légiférer par ordonnance et lancer les véritables réformes.

Yacine Ouchikh