Algérie – La plainte de Louisette Ighilahriz contre Yacef Saadi jetée aux oubliettes
Yacef Saadi, chef de la zone autonome d’Alger durant la guerre de libération nationale et sénateur du tiers présidentiel, est-il un intouchable ? La plainte déposée contre lui, il y a quatre mois et demi de cela, par Louisette Ighilahriz, une des icônes de la révolution algérienne, n’a connu aucune suite.
L’avocat de la plaignante, Me Mokrane Ait Larbi, a alerté, samedi 15 octobre, l’opinion publique sur cette grave entorse à la loi. « Le Parquet d’Alger devait, conformément à la Constitution et au Code de procédure pénale, entendre la plaignante sur procès?verbal et transmettre la plainte au Sénat par la voie du ministère de la Justice pour la levée de l’immunité parlementaire, procédure préalable aux poursuites. Mais quatre mois et demi après le dépôt de la plainte, la plaignante n’a reçu aucune notification. C’est le mépris total », dénonce-t-il avant d’ajouter : « Louisette Ighilahriz, qui a sacrifié sa vie pour la liberté et la dignité des Algériens, et qui, 50 ans après sa libération des geôles coloniales, ne réclame qu’une seule chose : la justice. »
Héroïne de la guerre de libération nationale, Louisette Ighilahriz a été grièvement blessée au maquis. Arrêtée par l’armée française le 28 septembre 1957, elle a été torturée pendant 75 jours puis emprisonnée à Barberousse, El-Harrach et en France jusqu’à 1962.
C’est précisément sur son passé de combattante pour la libération de son pays du joug colonial qu’elle a été attaquée par Yacef Saadi qui est allé jusqu’à la qualifier de « menteuse ». « Ne croyez pas toutes celles qui versent des larmes, il y a des femmes qui prétendent avoir pris part à la guerre mais ce sont des menteuses qui excellent dans l’art de faire de la comédie. Je veux précisément parler de Louisette Ighilahriz qui dit avoir été torturée, je vous confirme qu’elle n’a aucun rapport avec la guerre de libération », a-t-il déclaré lors de la présentation du film documentaire, Fidaiyattes, fin avril dernier.
Piquée au vif, Louisette Ighilahriz a qualifié, lors d’une rencontre avec les journalistes début mai dernier, les propos de son détracteur d’« ignominieux, insupportables, insultants et diffamatoires », avant de le défier : « Sois un homme, Yacef ! Ne te cache pas, sors et viens en face de moi ».
Mais l’ancien héros de la bataille d’Alger, aujourd’hui ami du président Bouteflika, ne semble pas disposé à affronter devant un tribunal cette femme-courage qui, en 2000, a été à l’origine du scandale des tortures des officiers français au cours de la bataille d’Alger révélé par le journal français Le Monde. Et son immunité parlementaire le protège de toute poursuite. Jusqu’à quand ?
Yacine Ouchikh