Algérie. Intrigante nomination de Tayeb Belaïz à la tête du conseil constitutionnel
Le président Abdelaziz Bouteflika a surpris son monde en nommant presque en catimini son ministre de la Justice Tayeb Belaïz à la tête du Conseil constitutionnel. (Photo AFP)
« Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a pris, ce jour, un décret présidentiel portant nomination de Tayeb Belaïz en qualité de président du Conseil constitutionnel, conformément à l’article 164 de la Constitution, en remplacement de Boualem Bessaih », a annoncé jeudi un communiqué laconique de la présidence de la République.
A la recherche d’un ministre de la Justice
Au-delà de son caractère impromptu – c’est là la marque de fabrique de l’ancien ministre des Affaires étrangères de Boumédiene qui aime prendre de court son monde -, cette décision met fin à une situation de quasi illégalité dans laquelle se trouvait cette institution névralgique dont le mandat du président Boualem Bessaih était arrivé à terme depuis plus de 6 mois. Surtout que cette institution est appelée à viser, dans moins de deux mois, la régularité d’un scrutin crucial pour le régime.
Se sachant attendu au tournant, le président Bouteflika voulait peut-être ôter cette carte à ses adversaires et donner davantage de légitimité à la nouvelle configuration politique qui verra le jour au lendemain du 10 mai.
Le hic est que le communiqué de la présidence n’a pas mentionné si Tayeb Belaïz reste ou non garde des sceaux. Est-il dessaisi de fait de son ancien portefeuille ? Ce n’est pas exclu car un cumul des mandats rendrait sa nomination à la tête du conseil constitutionnel… anticonstitutionnelle.
Reste maintenant à savoir qui va hériter du ministère de la Justice ? La nomination d’un nouveau ministre est invraisemblable à moins de 40 jours des législatives qui donneront naissance à un nouveau gouvernement.
Aussi la thèse la plus probable est de voir l’actuel Premier ministre Ahmed Ouyahia assurer l’intérim. Autant dire, qu’il aura la tâche de la gestion du processus électoral. Ce qui ne manquera pas de susciter des appréhensions chez les partis politiques, surtout qu’Ouyahia a toujours traîné l’étiquette du « fraudeur en chef ».
Une nomination qui intrigue
Question : la légitimation des résultats des élections législatives est-il le seul mobile qui a motivé la décision de Bouteflika à nommer un proche à lui à la tête du conseil constitutionnel ?
Pour certains, en nommant un fidèle parmi les fidèles à la tête de cette institution sensible, Bouteflika voulait s’éviter toute mauvaise surprise – le précédent Chadli est toujours dans les mémoires – et surtout peser lourdement dans le jeu de la succession à la tête de l’Etat. On a même parlé d’une victoire de Bouteflika sur ses adversaires au sein du sommet de l’Etat.
Il reste que d’autres lectures peuvent être faites. Il est fort possible que, sous la pression de ces mêmes adversaires au sommet de l’Etat, Bouteflika ait été contraint de retirer à son poulain le ministère de la Justice et, par la même occasion, le contrôle des prochaines élections, pour le caser au conseil constitutionnel.
On susurre que des cercles du pouvoir sont farouchement opposés aux desseins politiques du chef de l’Etat qui veut que les prochaines législatives accouchent d’une majorité islamo-conservatrice. Et confier à Ouyahia les opérations électorales, lui qui est souvent présenté comme un proche des militaires, c’est le meilleur moyen de court-circuiter un tel scénario.
Yacine Ouchikh