Algérie. Guéant encense les réformes de Bouteflika

 Algérie. Guéant encense les réformes de Bouteflika

Versant dans l’encensement

Claude Guéant est en plein déni de réalité. Alors que les réformes de Bouteflika, initiées il y a près d’une année, patinent et prennent de l’eau de toutes parts, le ministre français de l’Intérieur a délivré dimanche à Alger son satisfecit démocratique à un président isolé et pris en défaut de volonté d’arrimer son pays au train de la modernité politique.

Le pilier de la Sarkozie a jugé « encourageantes » les réformes politiques entreprises par Bouteflika en vue d’un « supplément » de démocratie en Algérie.

Mieux, il estime que ces initiatives « nombreuses » vont dans « le sens des préoccupations qui se sont manifestées dans la population algérienne ».

A-t-il seulement pris connaissance de toutes ces voix algériennes qui n’ont pas cessé de s’élever pour dénoncer le caractère liberticide et antidémocratique des nouvelles lois initiées par le gouvernement algérien ?

Une tresse de louanges

Versant dans l’encensement, Claude Guéant est allé jusqu’à se dire « impressionné » par l’avancée démocratique réalisée par le régime algérien. « J’ai été très impressionné, je dois dire, par la description que m’a faite le ministre de l’Intérieur de tous les textes qui ont été soit déjà adoptés, soit présentés au parlement afin de donner un supplément de démocratie à l’Algérie. C’est profondément encourageant », se félicite-t-il.

On croirait entendre un dirigeant d’un pauvre pays africain qui, dans l’espoir d’arracher quelques aides matérielles, se croit obligé de tresser des louanges aux autorités algériennes.

Si objectivement personne ne peut reprocher à M. Guéant de ne pas vouloir tordre le cou aux usages diplomatiques en critiquant ouvertement la démarche politique des dirigeants algériens, l’on est en droit de se demander à quoi riment ses déclarations qui ont tout d’une flatterie.

Les attentes de la France

Ni la logique froide des intérêts des Etats ni la perspective d’une élection présidentielle qui s’annonce très serrée ne peuvent expliquer l’attitude du ministre français puisqu’il ne s’est pas empêché, à Alger même, d’exprimer la « confiance » de la France envers les révolutions arabes qui, de son avis, vont « vers plus de démocratie, vers plus de liberté ».

A moins que pour lui, ce qui est bon pour les autres peuples de la région, ne l’est pas pour les Algériens. Reste à connaître la contrepartie politique ou  matérielle de ce soutien français, à n’en point douter, pas du tout désintéressé.

Une plus grande souplesse de la part des autorités algériennes dans la renégociation des accords de 1968 qui, faut-il sans doute le souligner, accordent un statut privilégié aux ressortissants algériens ? Possible, surtout que les autorités veulent coûte que coûte réduire le flux migratoire.

Un coup de main pour libérer les otages français au Mali ? Ce n’est pas exclu. A son arrivée à Alger, Claude Guéant a d’ailleurs déclaré que la situation sécuritaire au Sahel « constitue pour nous une préoccupation, notamment avec le problème des otages qui sont capturés et détenus dans cette région ».

Ceci dit, ce n’est pas la première fois que les Français viendraient au secours du président Bouteflika.

En février dernier déjà, au plus fort du printemps arabe et au lendemain de la répression aveugle d’une marche de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), l’ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin était venu à Alger pour… discuter affaires. Quelques jours plus tard, des contrats économiques pleuvaient sur les entreprises françaises.

Yacine Ouchikh