Algérie. El Watan dans l’œil du cyclone ?
La presse algérienne n’en finit pas de manger son pain noir. Le journal El Watan, un des rares titres algériens à être à jour avec le fisc, fait face à de nouveaux démêlés avec les autorités algériennes s’apparentant à des représailles.
La Caisse nationale d’assurances sociales (Cnas) a notifié dimanche à la direction du journal un redressement fiscal de 22 milliards de centimes, soit 2,2 millions d’euros.
« C’est avec stupeur, indignation et inquiétude que le quotidien El Watan a pris connaissance d’une correspondance de la Cnas qui lui réclame une somme aussi faramineuse que fantaisiste de 221 084 409,75 DA due, selon l’organisme, à des impayés de cotisations sociales de ses collaborateurs et pigistes sur sept années (2005-2011) », a annoncé hier lundi dans un communiqué le conseil d’administration de la SPA El Watan.
Le journal n’a pas manqué de rappeler que « le recours à des collaborateurs est une pratique universelle » et, parce qu’ils ne sont ni permanents ni des salariés, « ils ne sont pas assujettis aux cotisations sociales du journal qui sollicite leurs services ».
« Depuis sa création, le quotidien El Watan a toujours été en règle avec cet organisme comme il l’est au demeurant avec l’ensemble des autres institutions étatiques, parmi elles la Direction des grandes entreprises (DGE), relevant de l’administration fiscale, qui l’a félicité pour le sérieux de sa relation avec les services fiscaux », est-il également écrit dans le communiqué.
Aussi, les responsables voient dans cette « injuste et dangereuse réclamation » de la Cnas une cabale politique. « Légitimement, El Watan s’interroge sur les vrais mobiles de cette démarche aussi inattendue que brutale de la Cnas qui intervient dans un contexte politique très particulier.»
La Cnas, un outil de censure ?
« L’organisme a-t-il été instrumentalisé par une quelconque autorité pour affaiblir le journal et l’empêcher de jouer un rôle d’information et d’éclairage sur les véritables enjeux des rendez-vous politiques à venir ? », s’interroge le conseil d’administration d’El Watan.
Question : pourquoi seul El Watan est visé par cette mesure alors que l’écrasante majorité des journaux recourent aux services de collaborateurs ?
Selon le directeur du recouvrement et du contentieux de la Cnas, Malek Hamdani, joint par le site TSA, l’opération de contrôle visant El Watan entre dans le cadre d’un programme d’actions de la Cnas qui touchera de nombreux quotidiens ainsi que des chaînes de télévision et de radio qui sont en infraction avec la loi.
Brandissant l’article 8 de la loi 83-14 relative aux obligations des assujettis en matière de sécurité sociale, M. Hamdani a soutenu que les journaux sont dans l’obligation de déclarer leurs collaborateurs et pigistes.
Pour ce responsable, cette opération n’a rien d’une cabale et, assure-t-il, « la Cnas n’a pas d’autre intention que la stricte application de la réglementation en matière de sécurité sociale ».
Représailles politiques ?
Ce n’est pas l’avis de Omar Belhouchet qui, lui, soutient dur comme fer que son journal fait face à des représailles politiques. « Nous considérons que c’est une affaire politique. Ce n’est pas la première et ce ne sera pas la dernière », explique-t-il.
D’aucuns ont fait un lien entre cette nouvelle escalade et la publication il y a quelques jours par El Watan d’une enquête qui met en cause la Cnas dans le dossier des soins à l’étranger.
Mais, à suivre l’explication donnée par Omar Belhouchet, il est fort probable que la vraie raison soit plutôt le dossier consacré par El Watan au 20ème anniversaire de l’arrêt du processus électoral qui aurait fait grincer quelques dents en haut lieu.
La ligne éditoriale journal d’Omar Belhouchet n’agrée-t-elle pas certaines parties ? Veut-on lui faire payer son audace journalistique ? Apparemment, oui.
Yacine Ouchikh