Algérie. Djamila Bouhired : une moudjahida dans la dèche
Djamila Bouhired, combattante pour l’indépendance de l’Algérie qui a subi des tortures à son arrestation en 1957 avant d’être condamnée à mort puis graciée, se trouve dans le dénuement et ne peut pas se payer des soins à l’étranger. (Photo AFP)
Djamila Bouhired a été contrainte aujourd’hui jeudi d’annuler un voyage en France où elle devait subir une opération chirurgicale. « J’ai essayé de préparer ce voyage en achetant des devises sur le marché parallèle. Mais à la dernière minute, je me suis rendu compte que je n’avais en ma possession que 100 euros. J’ai un rendez-vous pour samedi prochain et je devais partir demain (aujourd’hui, ndlr). Mais je ne pars pas avec 100 euros. C’est une honte ! », s’est-elle confiée au quotidien El Watan.
« La CNAS a toujours pris en charge les frais de mon hospitalisation. Et c’est mon droit, parce que j’ai cotisé à la sécurité sociale. J’allais dans un hôtel moyen, mais il n’y a pas de restauration. Et comme j’ai besoin d’un accompagnateur pour me prendre en charge après l’intervention, il me faut une somme pour régler les frais de nourriture. Le règlement de la CNAS, selon ce qu’on m’a expliqué, ne permet pas de donner aux patients de l’argent liquide. En entendant cette réponse, j’ai voulu marcher toute seule à Alger. J’ai préparé des pancartes, mais des amis m’en ont dissuadé », s’est-elle encore offusquée.
Une icône en colère
Cette icône du combat libérateur est très en colère contre les dirigeants algériens. « Quand il s’agit d’eux et de leurs enfants, les dépenses se font sans compter. Des femmes sont envoyées pour faire de la chirurgie esthétique avec une prise en charge totale », dénonce-t-elle. Elle ne s’explique pas que des Algériens ayant des maladies chroniques ne soient pas pris en charge par les pouvoirs publics.
« Je veux que les moudjahidines et leurs enfants et ceux des chouhada, ainsi que tous les Algériens qui vivent avec des maladies nécessitant des interventions lourdes et coûteuses soient pris en charge par l’Etat algérien », vitupère-t-elle. « Quand je pense aux martyrs, je me demande s’ils ne nous en veulent pas de ne rien faire pour ce pays, 50 ans après l’indépendance ».
En 2009, Djamila Bouhired a lancé un appel aux Algériens pour l’aider à faire face aux frais de son hospitalisation tout en envoyant une lettre-coup de gueule au président Bouteflika pour l’interpeller sur sa « situation critique » mais aussi celle des autres moudjahidines. « Je vous demanderais de ne plus nous humilier et de revaloriser notre dérisoire pension de guerre afin de vivre dans un minimum de dignité le peu de temps qui nous reste à vivre », écrivait-elle, pleine de rage.
Yacine Ouchikh