Algérie. Dévaluation du dinar : les arguments de la Banque d’Algérie

 Algérie. Dévaluation du dinar : les arguments de la Banque d’Algérie

Selon les responsables de la Banque d’Algérie


Accusée d’avoir procédé une dévaluation clandestine du dinar, la Banque d’Algérie motive son choix par son souci de préserver des entreprises algériennes incapables de soutenir la concurrence.




 


Fin de l’année 2011, cette institution bancaire a décidé de déprécier de10% la valeur du dinar qu’elle a qualifiée de « routinière ». Invité hier jeudi à la radio algérienne, M. Djamel Benbelkacem, conseiller à la Banque d’Algérie (BA), a déroulé tout un argumentaire technique pour justifier une décision que beaucoup ne s’expliquent pas, à commencer par la très influente organisation patronale, le Forum des chefs d’entreprises (FCE) qui craint qu’une telle mesure n’ait des répercussions sur le prix de la matière première, et donc la bonne santé et la compétitivité des entreprises.


Le FCE avait même demandé de revoir à la hausse la valeur du dinar qui, depuis 1974, a fait l’objet d’une cascade de dévaluations pour atteindre aujourd’hui  le taux de 1 euro pour 107 dinars.


Pour certains, la décision de la Banque d’Algérie vise à réduire les importations qui, en 2011, ont frôlé les 47 milliards de dollars. Pour d’autres, elle est le fait des pouvoirs publics qui espéraient endiguer les effets pervers des récentes augmentations de salaires et leur impact sur le déficit budgétaire. En Algérie, chaque augmentation de salaire décidée par le gouvernement est automatiquement suivie d’une inflation.


 


« Un cadeau empoisonné »


Pour le conseiller de la Banque d’Algérie, un relèvement du taux de change du dinar par rapport à l’euro et au dollar sera « un cadeau empoisonné » pour les entreprises. « Si on apprécie le dinar, nous rendrons beaucoup moins chères les importations pour la revente en l’état, ce qui va concurrencer de manière féroce la production  de nos entreprises locales ; c’est tout simplement leur faire un cadeau empoisonné », a-t-il expliqué.    


Selon M. Benbelkacem, la gestion du taux de change a pour but d’aligner le cours « nominal » du dinar sur le taux de change « réel » qui, à ses yeux, permet « de préserver la compétitivité de notre économie ». 


Citant l’exemple de la filière du textile dont la production a été divisée par 10 en 25 ans, M. Benbelkacem estime qu’ « une surévaluation de la monnaie fera inonder le marché par les importations, ce qui tuera le tissu industriel local ».


Cette décision ne serait-elle pas liée à la hausse des réserves de change qui ont atteint en juillet 2011 les 175 milliards de dollars ? Non, répond M. Benbelkacem, car aucune banque au monde, argumente-t-il, ne gère le taux de change en fonction des réserves de change.


Et M. Benbelkacem de citer l’exemple de la Chine qui continue à déprécier sa monnaie pour favoriser ses exportations et ses entreprises alors qu’elle détient les plus grosses réserves de change dans le monde estimées à plus de 3 200 milliards de dollars.


« Comment voulez-vous alors que l’Algérie, où la compétitivité de certaines filiales est en déclin, surévalue sa monnaie ? », s’est-il interrogé avant d’ajouter : « La Banque d’Algérie n’est pas sur une île isolée. Elle gère le taux de change du dinar conformément à une approche professionnelle commune dans toutes les banques centrales du monde ».


Autre argument brandi par le conseiller de la Banque d’Algérie : le régime de flottement dirigé » auquel est soumise la monnaie algérienne qui fait que sa valeur change cinq fois par jour sur le marché interbancaire de changes. « On ne parle de dévaluation que lorsque le taux  de change est fixe, c’est-à-dire, qu’il ne varie pas ni dans la journée, ni dans la semaine, ni dans le mois, à l’exemple de la monnaie chinoise », a-t-il expliqué.


                                                                                                                Yacine Ouchikh