Algérie. Abdelhamid Mehri tire sa révérence

 Algérie. Abdelhamid Mehri tire sa révérence

Dans le sillage du printemps arabe

Sur la brèche depuis près de 70 ans, Abdelhamid Mehri, 86 ans, a passé l’arme à gauche hier lundi à l’hôpital militaire d’Ain Naadja à Alger où il a été admis en urgence il y a quelques jours. Refusant de prendre une retraite politique bien méritée, il a continué jusqu’au bout son combat pour une Algérie démocratique.

 

En février de l’année dernière, alors que le pays était en pleine ébullition dans le sillage du printemps arabe, Abdelhamid Mehri avait envoyé une lettre au président Bouteflika, lui faisant une offre politique pour « un changement démocratique pacifique du régime ».

« L’Algérie doit célébrer bientôt le cinquantième anniversaire de son indépendance. Le temps qui nous sépare de cette grandiose occasion est suffisant, selon moi, pour parvenir à un accord entre les Algériens pour le changement pacifique souhaité », avait-il écrit dans sa missive.

Homme d’une grande pondération, Abdelhamid Mehri a toujours milité pour un compromis politique. Durant la crise sanglante traversée par le pays au lendemain de l’arrêt du processus électoral en 1992, Abdelhamid Mehri n’a pas cessé d’appeler à un dialogue sans exclusive et à une solution négociée.

Une conviction politique qui l’avait poussé alors à basculer, aux côtés du FFS et de l’ex-FIS, dans l’opposition au système politique algérien dont il était un des représentants. Une posture qui lui a valu, en 1996, « un coup d’Etat scientifique » qui l’a éjecté de son poste de secrétaire général du FLN.

 

Une vie vouée à la politique

La vie de ce vieux routier de la politique se confondait avec celle d’une Algérie contemporaine riche en événements. Né le 03 avril 1926 à El Harouch (Skikda) dans l’est algérien, il s’est engagé très jeune au sein du parti nationaliste de Messali Hadj, le PPA (parti du peuple algérien) pour combattre le colonialisme.

En 1948, il s’est rendu à Tunis pour poursuivre ses études à la célèbre université de la Zitouna. Chargé par son parti d’organiser l’émigration algérienne, il noua  d’étroits contacts avec le parti tunisien du Néo-Destour.

A peine la guerre de libération déclenchée qu’il fut arrêté par les autorités coloniales. Libéré en en avril 1955, il quitte le pays pour rejoindre le Caire.

Après le Congrès de la Soummam en 1956, il fait son entrée au sein du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) puis du Comité de coordination et d’exécution (CEE) en 1957 avant d’être nommé ministre des affaires maghrébines au sein du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).

 

Pour un « Maghreb démocratique »

A l’indépendance, il a assumé des postes de responsabilités (ministre, ambassadeur, etc), avant de se voir confier, au lendemain des événements d’octobre 1988, les rênes du FLN qui lui seront retirés en 1996.

Depuis, il n’a plus assumé la moindre responsabilité sans pour autant couper les amarres avec l’activité politique. Avec ses amis Mouloud Hamrouche (ancien premier ministre) et Hocine Ait Ahmed (président du FFS), il a lancé quelques initiatives politiques sans lendemain.

Maghrébin convaincu, il n’a pas cessé d’appeler de ses vœux la construction d’un espace régional démocratique. « Au « Maghreb des peuples » je préfère, plus nettement, le « Maghreb démocratique » sans fossés entre peuples et gouvernements. Le FLN, au Congrès de la Soummam, préconisait l’action aussi bien au niveau des peuples qu’au niveau des gouvernements pour réaliser l’unité du Maghreb. Cette vision et cette stratégie d’action politique demeurent valables à mon avis. Menées avec discernement et ténacité, elles peuvent réaliser le rêve maghrébin », soutenait-il encore en avril 2011 dans un entretien accordé au site français Econostrum.

Yacine Ouchikh