Nice : L’amère expérience d’organiser une manifestation pour Gaza
Manifester son soutien à la Palestine est devenu un parcours du combattant au pays des Droits de l’Homme. A Nice, pour avoir tenté d’organiser une manifestation, deux jeunes femmes ont subi interdictions, insinuations, arrestations et gardes à vue.
Au pays de Voltaire, de la contradiction et des droits de l’Homme, il semble bien qu’il y ait rupture d’égalité et de liberté quand on touche au dossier du Proche-Orient. Depuis le 7 octobre, la quasi-majorité des manifestations de soutien à la Palestine et aux populations civiles de Gaza sont interdites en France.
Le ministre Gérald Darmanin a même fait passer le mot aux préfets. Les prétextes sont souvent les mêmes. Pour Nice, la préfecture des Alpes Maritimes considère qu’il peut y avoir des « risques de trouble à l’ordre public, d’affrontements entre militants extrémistes, de la persistance de la menace terroriste et de la recrudescence d’actes antisémites ».
Or, après les attaques du Hamas en Israël, le maire de Nice organise, dés le lundi 10 octobre, un rassemblement devant la mairie en présence d’un millier de personnes en soutien à Israël. Quand des associations comme le collectif 06 pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens tentent d’en organiser une, elle se voit interdite par la préfecture.
Christian Estrosi fait même porter sur le fronton de l’Hotel de ville, le drapeau israélien qu’il compte garder « tant qu’Israël n’aura pas gagné cette guerre.« . Amira Zaiter et Hajer Barkous décident de se photographier devant l’édifice avec le drapeau palestinien. « A peine arrivées, la police est venue nous voir, indique Amira Zaiter. Les policiers nous demandent de partir. Nous avons refusé car nous étions sur la voie publique. Cela a nous a motivé pour organiser un événement le dimanche 22 octobre. »
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Neutralité française
Dans une lettre, ces deux habitantes de Nice demandent aussi au Maire de « retirer les drapeaux israéliens qui alimentent la haine et la division entre Niçoises et Niçois. » Elles rappellent que la France « doit s’engager dans une démarche de justice, de liberté et de paix. Nos élus et nos collectivités doivent faire preuve de neutralité,… »
Parallèlement, les deux jeunes femmes déposent une demande en préfecture pour « un rassemblement sur la place Masséna dimanche 22 octobre suivi d’une marche jusqu’à la mairie« . Les services de la préfecture indiquent alors l’interdire « conformément aux instructions données par le ministère de l’Intérieur aux préfets si la manifestation est déclarée comme pro-palestinienne. »
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L’affaire devant la justice
Amira Zaiter et Hager Barkous décident de porter l’affaire devant la justice, avec leur avocat Selen Guez Guez. Le conseil d’Etat lève les interdictions mais renvoie les possibilités d’organisation aux préfectures au cas par cas. Mais, la préfecture maintient son interdiction. Elles retournent alors au tribunal de Nice vendredi.
Toutefois, le juge interdit la manifestation sous le prétexte de la préfecture d’effectifs insuffisants pour maintenir l’ordre. Même chose pour le conseil d’Etat qui rend sa décision dimanche matin et abonde dans le sens de la préfecture. « Dans son argumentaire, la préfecture nous a mis en lien avec le Hamas. On insinue que nous sommes liées à cette organisation ce qui n’est absolument pas le cas. »
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Arrestations, perquisitions et gardes à vue
Entre temps, l’annonce de la manifestation a été beaucoup partagée. Vers 15h00, Amira et Hajer se rendent à proximité de la place Masséna à Nice. « Une trentaine de personnes étaient sur place. Nous communiquions sur les réseaux que la manifestation était interdite. Nous étions à l’écart et ne participions pas au rassemblement. Un agent territorial nous a reconnu. Nous avons pris des photos et vidéos des forces de l’ordre sur place. Or, il y avait une quinzaine de camions de police. La police nous a demandé de leur dire que pour leur sécurité, les 30 personnes devaient se disperser. C’est ce que nous avons fait. »
Ensuite, elles quittent les lieux. Toutefois, à 500 mètres de la manifestation, des policiers en civil arrêtent Amira et Hajer vers 15h45. Amira a juste le temps d’avertir son avocat. Garde à vue pour les deux jeunes femmes. « Nous avons été bien traités. A 20h00, nous avons vu notre avocat. Le lendemain, on vient nous chercher pour une perquisition à la maison. Ils cherchaient un lien avec le Hamas, qui n’existe pas. Ils ont pris des photos de tous mes livres. A 14h30, on pouvait sortir. Notre avocat nous a indiqué qu’il n’y avait aucune charge contre nous. »
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Manifestation demandée le 28 octobre prochain
Amira Zaiter n’a pas apprécié que le maire de Nice, Christian Estrosi, les accuse dans les médias, d’être la « cinquième colonne islamo fasciste« . Elle a décidé de porter plainte pour ces propos. « Je trouve cela injuste que nous ne puissions pas exprimer notre soutien aux populations de Gaza. Si on estime qu’il y a trouble à l’ordre public, autant interdire toutes les manifestations pro-israéliennes et pro-palestiniennes. Mon combat se situe sur le terrain de l’égalité et de la liberté d’expression. Il y a quelque chose qui ne va pas ! »
Pourtant, malgré toutes ces encombres, elle reste déterminée. Avec Hajer Barkous, Amira Zaiter organisent une manifestation samedi 28 octobre à 15h00 avec dépôt de demande à la préfecture depuis hier. Pas de réponse pour le moment.