« Ne me libérez pas je m’en charge ! », un magnifique spectacle qui rend hommage à la femme algérienne
A 85 ans, ma mère, Messaouda Dendoune, en a vu des spectacles ! Et le dernier en date au Cabaret Sauvage à Paris, « Ne me libérez pas je m’en charge ! » a été validé par elle à 500%.
« C’est le meilleur que j’ai vu », m’a-t-elle bonnement répété tout sourire à la fin de ce show musical. Effectivement, pendant deux heures, on en prend plein les yeux et les oreilles, ou comment passer un bon moment tout en se cultivant.
Sur scène, un orchestre, accompagné de trois chanteuses, Nadia Ammour, Samia Diar et Tanina Cheriet, la fille d’Idir que ma mère a tout de suite reconnue, et qui fait office également de conteuse.
L’histoire que Tanina Cheriet nous raconte est celle de l’immigration algérienne de 1950 à nos jours, par le prisme de la femme et loin des clichés habituels. « En plus, ils ont choisi les meilleurs chanteurs », s’est enthousiasmé ma mère.
Nadia Ammour, Samia Diar et Tanina Cheriet reprennent magnifiquement les tubes des chanteuses Noura, Cheikha Rimiti, Cherifa ou Hanifa, mais aussi des chanteurs tels que Slimane Azem, Cheikh El Hasnaoui ou Idir.
Tous ces artistes, qui ont accompagné des centaines de milliers de familles algériennes dans leur exil, n’ont cessé de se battre en faveur de l’émancipation des femmes.
En rentrant chez elle le soir, ma mère m’a dit en kabyle : « Je suis analphabète comme tu le sais, mais si j’étais allée à l’école, j’aurais aimé écrire le même spectacle. C’est une partie de ma vie qui a été racontée. Je suis en France depuis 60 ans, et c’est la première fois qu’on rend hommage de cette manière à la femme algérienne. Trop de gens pensent qu’on n’a pas de personnalité, qu’on s’est laissées faire. Mais ce n’est pas vrai : nous avons été beaucoup à relever la tête. Les Algériennes sont des femmes fortes. Nos maris ont souvent joué les durs à cause de la tradition, mais on a fini par tous les dresser ».
Les femmes algériennes ont été également des héroïnes pendant la guerre d’indépendance. A la libération, les dirigeants algériens l’ont vite oublié en les privant de leurs droits les plus fondamentaux, en les enfermant dans un statut de mineure à vie, « récompensant », leur bravoure, en faisant voter en 1984 un code de la famille aux relents moyenâgeux. Un code certes révisé en 2005, mais qui existe encore aujourd’hui.
« Plus invisible que le travailleur immigré, il y a sa femme », peut-on souvent entendre de la bouche de certains militants. « Ne me libérez pas je m’en charge ! » rétablit un peu la donne, même si le chemin est encore long…
Un spectacle à voir absolument.
« Ne me libérez pas, je m’en charge ! », jusqu’au 28 septembre 2021 au Cabaret sauvage.
Le mercredi, jeudi, vendredi, samedi et le dimanche. Horaires : Du mercredi au samedi : 20h / Les dimanches : 17h
Sur une idée originale de Méziane Azaïche. Spectacle écrit par Naïma Yahi, mise en scène Méziane Azaïche et Géraldine Bénichou. Avec Tanina Cheriet, Nadia Ammour, Samia Diar, Amar Chaoui, Abdenour Djemaï, Rafik Korteby, Hichem Takaoute. Direction musicale : Nasredine Dalil.
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