Waed Bouhassoun, l’oud en héritage
MAGAZINE NOVEMBRE 2017
Avec son oud, la chanteuse syrienne révèle la langue étincelante des chants rituels des Bédouins et de la poésie arabe. Avec grâce et raffinement.
Plus qu’un instrument de musique, c’est un ami. Même lorsqu’elle n’en joue pas, Waed Bouhassoun garde toujours son oud auprès d’elle. “Je lui donne autant qu’il me donne. Il complète ma personnalité, me permet de m’exprimer dans un langage plus puissant, plus fort que celui du quotidien”, confie-t-elle.
Née en 1979, la chanteuse et oudiste est issue du peuple druze, de la montagne du même nom, au sud de la Syrie. C’est son père, “musicien pour le plaisir”, qui l’initie à cet instrument qui l’intrigue tant. Elle n’a que 7 ans. Ensemble, ils se produisent lors des fêtes au village. A 11 ans, la jeune fille donne ses premiers concerts en solo. “Mon père m’a donné cette indépendance, m’a soutenue dans ma vocation précoce. Avec l’oud à mes côtés, je n’avais besoin de rien d’autre.”
Elle s’inscrit au Conservatoire de Damas afin de se perfectionner et de se frotter à d’autres cultures, puis elle se rend à Paris pour étudier l’ethnomusicologie. “Un musicien doit toujours être en recherche, estime-t-elle. L’ethnomusicologie m’a amenée à poser un nouveau regard sur l’autre. Je ne le juge pas, je cherche à le connaître et à comprendre sa différence. Ça m’a aussi aidée à m’adapter en France.” Elle prépare actuellement une thèse sur les chants de rituels funéraires et de mariage au sein de sa communauté.
Accompagner les musiciens réfugiés
Soutenue par la Maison des cultures du monde, elle a, depuis 2006, donné de nombreux concerts et sorti trois albums dans lesquels elle met en musique des poésies du Moyen-Orient : pré-islamique, moderne, mystique, profane… “Pour donner une voix au poème, il faut lier la technique à l’imagination. Connaître le contexte, le sens de la poésie, et mettre ainsi chaque mot à sa place.”
Dans son dernier album, La Voix de la passion (sorti en 2016 chez Buda/Universal), elle interprète la poésie bédouine de sa région d’origine. “Elle reflète l’histoire d’une communauté. Par exemple, ma chanson Soultan parle du héros qui a mené la révolution en 1925 contre le mandat français. Il y a aussi des chants de séparation, de joie…” Moslem Rahal, le virtuose syrien, l’accompagne à la flûte ney. Pour d’autres morceaux, et comme souvent sur scène, elle joue seule avec son oud, dans une atmosphère méditative, créant une intimité avec le public.
Elle collabore aussi avec de grandes formations, comme celle du chef d’orchestre catalan Jordi Savall, qui réunit une vingtaine de musiciens de différentes nationalités. Avec lui, Waed travaille sur le projet Orpheus XXI afin de monter des spectacles avec des musiciens réfugiés en Europe. “Il s’agit de les aider à s’adapter à la vie ici, à s’ouvrir à d’autres cultures”, et de leur permettre ensuite d’en assurer la transmission auprès des enfants.
Malgré la situation en Syrie, la chanteuse rend souvent visite à sa famille. “Ça me redonne de l’énergie et du courage.” Et son père jamais ne manque de lui demander des nouvelles de son oud.
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