La melting pop de Nawel Ben Kraïem
La chanteuse franco-tunisienne a rejoint le label Capitol et s’apprête à sortir son premier album solo. Emprunt de poésie, “Par mon nom” recèle le sel et le soleil de Méditerranée.
Elle a grandi avec les chansons de Marcel Khalifé. “Mes parents n’écoutaient que des artistes engagés, comme Joan Baez”, confie la jeune chanteuse à la voix suavement rocailleuse. Le grand public la découvre en 2017 avec Méditerranéennes, un album collaboratif de Julie Zenatti. Mais les amateurs de musiques du monde la connaissent depuis longtemps. En 2010, Nawel Ben Kraïem accompagne le groupe Orange Blossom en tournée internationale. Pendant la révolution du Jasmin, son titre militant Ya Tounes fait fureur sur le Net. En 2013, elle enchaîne les premières parties de Natacha Atlas, de Zebda ou encore de Susheela Raman.
Son style musical ? L’artiste le définit comme un “melting pop” : “Ma musique est métissée, colorée, car j’y ajoute les sonorités de l’oud et du guembri, mais aussi des rythmiques électroniques”, explique celle qui dit écouter Oum Kalthoum, Tracy Chapman, Lauryn Hill et Khalid.
Le départ et l’origine, ses thèmes fétiches
Même si elle a longtemps chanté en arabe et en anglais, dans son nouvel album – le premier en solo après deux EP – elle assume de s’exprimer en français, mais cela reste “teinté de l’imaginaire arabe”. Dans Par mon nom, on découvre de jolis textes gorgés de soleil (D’habitude) et de nostalgie (Mer promise). C’est sa collaboration au projet Méditerranéennes qui lui a permis de rencontrer sa maison de disques, Capitol, une branche d’Universal : “Ils m’ont encouragée à assumer mes textes en français que je gardais pour moi jusqu’alors.”
Au final, une douzaine de morceaux traversés par les thèmes du départ et de l’origine. “Il s’agit du départ dans le sens du mouvement migratoire, mais aussi de rêve d’un ailleurs. On a tous un potentiel de migrant et de voyageur. Ces titres sont en quelque sorte un porte-voix pour les minorités. J’aime ce regard sensible qui vient de la marge. Autre thème sous-jacent, celui de la rencontre, de l’amour et du partage.”
Au théâtre, au cinéma… et en prison
Quand Nawel Ben Kraïem n’est pas sur scène ou en studio, il lui arrive aussi de monter sur les planches (La neuvième nuit nous passerons la frontière, de Marcel Bozonnet) ou de tourner dans des films. On l’a notamment vue dans L’Amour des hommes, du réalisateur tunisien Mehdi Ben Attia.
L’artiste a aussi une âme de travailleuse sociale. Pour preuve, trois ans durant, elle a animé des ateliers d’écriture en milieu carcéral, à Fleury-Mérogis : “Je voulais connaître le regard des détenus sur le monde.” En prison, elle a aussi donné des concerts… mais la salle mythique où elle rêverait de donner de la voix ? “C’est un peu cliché de répondre l’Olympia, mais ce lieu raconte une histoire. Oum Kalthoum et son fameux live…” Souhaitons-lui le même destin que la diva égyptienne.
MAGAZINE MARS 2018