« Je suis admiratif du courage d’Amal Bentounsi », Kery James qui lui a dédié une chanson
Le 16 novembre dernier, sortait "J'rap encore", le septième album de Kery James, considéré par beaucoup comme l'un des meilleurs rappeurs de sa génération. Entretien.
Parmi ses nouveaux titres, « Amal ». Cette chanson raconte la vraie histoire d’Amal Bentousni, une militante qui lutte contre les violences policières. C’est à la suite de la mort de son frère Amine, abattu d’une balle dans le dos à Noisy-le-Sec en 2012 par Damien Saboundjian, un gardien de la paix, que cette quadragénaire décide de créer le Collectif « Urgence notre police assassine ». Une association qui a pour but de dénoncer et venir en aide aux familles de victimes de violences policières.
Avec cette chanson au texte puissant et sans concession, (notre coup de cœur), Kery James ne rend pas seulement hommage à Amal Bentounsi mais aussi à toutes ces femmes des quartiers populaires qui se battent contre les injustices. "À travers l'histoire vraie d'Amal Bentounsi, je vous raconte l'histoire de toutes ces femmes, pas vraiment ordinaires, qui font face à l'adversité avec courage et dignité.
Une pensée particulière, pour celles qui dans nos quartiers, par le sacrifice de leur temps et de leur personne, portent le monde associatif à bout de bras." Ce sont par ces phrases que démarrent le clip "Amal", réalisée par Leïla Sy, où les visages de nombreuses femmes apparaissent sur fond noir. Une manière de rendre plus fortes les paroles de ces militantes de l'ombre. Pour Le Courrier de l'atlas, Kery James revient sur la genèse de cette chanson.
Pourquoi avoir décidé de faire une chanson sur Amal Bentounsi ?
Cela fait un moment que j’avais envie de faire une chanson dédiée à une femme mais je n’avais pas encore trouvé la bonne histoire. Je ne voulais pas faire un truc mielleux. Je voulais que ce texte soit inspiré d’une histoire vraie où il y aurait de l’adversité, du courage, de la dureté. L’histoire d’Amal Bentounsi, c’est tout ça à la fois.
Ce qui m’a beaucoup intéressé et plu dans l’histoire d’Amal, c’est ce que cette jeune femme a fait du drame qu’elle a vécu. C’est sa réponse qui m’a plu. Au lieu de ne penser qu’à sa douleur, elle a eu une réponse solidaire. Elle a associé d’autres familles de victimes de violences policières en créant le "Collectif Urgence Notre Police Assassine". Quand elle parle de la mort de son frère, elle parle toujours des autres victimes de violences policières.
Le texte est sans concession. Il dénonce clairement les violences policières. Est-ce un sujet qui vous touche particulièrement ?
J’ai grandi dans une cité à Orly; alors forcément j’ai toujours été sensible aux questions des violences policières. Mais j’avais un avis un peu plus "mesuré" que d’autres rappeurs, comme en témoignent certaines de mes chansons. Par exemple, en 2005, dans "Je revendique", je disais : "J'revendique et j'dis qu'il y a trop de mômes. Qui insultent la police pour que dalle…". En 2013, dans "Constat amer", je chantais : "Et tes frères disparus que tu continues à pleurer. C'est pas des flics qui les ont butés".
C’est en rencontrant Amal, puis toutes ces familles, victimes de violences policières que je me suis rendu compte de l’impunité dont jouissent les forces de l’ordre en France, à chaque fois que quelqu’un meurt par leur faute. Et ceci, ce n’est pas acceptable.
Vous semblez avoir beaucoup de respect pour Amal Bentounsi…
Oui, énormément. Je suis admiratif de la femme qu’elle est. Comme beaucoup de femmes des quartiers populaires, Amal est très courageuse. Comme je le dis dans la chanson , Amal a plus de vécu que certains rappeurs qui s’inventent des vies. Elle n’a jamais rien lâché. Elle s’est battue jusqu’au bout pour que le policier responsable de la mort de son frère soit condamné. Même si ce dernier n’a obtenu que du sursis, cela reste une victoire symbolique.
Le fait qu’elle ait repris des études vous impressionne aussi…
Oui, c'est vrai. Reprendre des études d’avocate à l’âge de 40 ans, ce n’est pas donné à tout le monde. Elle est mère de plusieurs enfants, certains en bas âge, et pourtant elle s’est lancée dans cette grande aventure. Pour elle, être avocate n’est pas anodin. Elle est toujours dans cette optique d’aider les autres, notamment les victimes de violences policières.
Aimeriez-vous aussi reprendre un jour vos études ?
Oui. Je n’ai pas le Bac et depuis quelques temps, j’ai très envie de le passer en candidat libre. Comme dans tout, faut juste trouver le temps. Peut-être un jour, j’aurais assez d’énergie et de patience pour le faire. Mais une chose est sûre : voir qu’Amal a été capable de reprendre des études malgré sa vie de maman me motive forcément.
Pour finir, parlez nous de vos projets.
Je rappe depuis gamin. Je ne dis pas que j'ai fais le tour mais j'ai comme tout le monde besoin de nouveaux challenges. Même si je prends toujours plaisir à chanter, et comme je suis curieux de nature, j'ai de plus en plus envie de toucher à d’autres choses. J’ai écrit une pièce de théâtre "A vif" qui a bien marché.
Je viens aussi de finir le tournage d’une fiction "Banlieusards" que j’ai coréalisé avec Leïla Sy et où Amal Bentounsi apparaît. Ce film devrait sortir sur Netflix en septembre prochain. J’aimerais bien lancer plusieurs autres projets dans ce sens.