Aziz Sahmaoui : « La musique doit être une terre d’accueil »
Dans le cadre de l’exposition “Al musiqa”, à la Philharmonie de Paris, le chanteur et multi-instrumentiste marocain propose un voyage à travers l’histoire des musiques gnawas. Un subtil mélange entre tradition et métissage.
Le 11 mai à la Philharmonie, vous allez partager avec Coumbane Mint Ely Warakane, une des plus grandes griottes de Mauritanie, une soirée intitulée “L’Afrique arabisée”. Quel est votre rapport aux traditions musicales d’Afrique noire ?
J’ai rencontré la musique gnawa au Maroc, où je suis né et où j’ai vécu jusqu’à mon départ pour la France dans les années 1990. Les Gnaouas sont des descendants d’esclaves, ils ont développé des rituels qui sont encore pratiqués aujourd’hui. Cette tradition a toujours été au cœur de ma pratique artistique, aussi bien au sein de l’Orchestre National de Barbès (ONB) que j’ai fondé en 1995, qu’avec University of Gnawa qui existe depuis 2010.
Depuis plusieurs années, vous jouez davantage du n’goni, instrument à cordes d’Afrique de l’Ouest, que du guembri utilisé par les Gnaouas. Pourquoi ?
Essentiellement pour des raisons de sonorité. Si dans la culture gnawa, on joue à l’unisson, ce n’est pas le cas dans la musique très métissée que je pratique ici. Plus aigu que le guembri, le n’goni se marie mieux avec la basse.
Comment votre métissage a-t-il évolué depuis l’Orchestre National de Barbès ?
Comme la musique gnawa elle-même : au fil des rencontres. Depuis longtemps, des artistes d’ailleurs s’intéressent à cette tradition et l’enrichissent. Ce fut le cas, entre autres, de Jimi Hendrix et de Frank Zappa. Me concernant, ma rencontre avec le grand pianiste de jazz Joe Zawinul, par exemple, m’a beaucoup marqué. Au milieu de la souffrance, il savait faire surgir l’improvisation, et c’était magique. Quel bonheur aussi de jouer avec Chucho Valdés ! Quelle grandeur dans sa manière d’associer les notes, de ne jamais être dans la répétition ! Mon rapport à la musique gnawa se nourrit de la proximité avec ces maîtres.
Votre concert à la Philharmonie de Paris sera une illustration de ce renouveau permanent ?
Je prépare en effet un concert spécial. Un paysage musical qui ira de la tradition jusqu’à la fusion et même au-delà. Ce sera ma façon de dire que la musique doit être une terre d’accueil. Qu’elle doit toujours être dans l’ouverture. Qu’elle doit oxygéner le présent, permettre de rapprocher les gens, ouvrir des espaces à l’inconnu. C’est pourquoi j’ai voulu inviter des cordes à la Philharmonie. Des violons dialogueront avec le n’goni et le guembri.
Cela sera-t-il également l’esprit de votre quatrième album solo, dont la sortie est prévue pour l’hiver prochain ?
Tout à fait. Ecrire mon histoire avec des mélodies est une nécessité. Après Mazal (2014), je poursuis le récit des injustices et des amours. D’une grosse et terrible erreur, d’une joie, d’un bonheur. Cet album sera un paysage contrasté. Comme la vie.
AZIZ SAHMAOUI
En concert aujourd'hui à la Cité de la Musique – Philharmonie de Paris,
221, avenue Jean-Jaurès, Paris XIXe. Tél. : 01 44 84 44 84.